Les entreprises dans la transition écologique, voilà un sujet qui inspire Pascal Greboval du magazine Kaizen. Et concrètement ?
Si à l’origine de Kaizen nous étions focalisés sur les actions individuelles, avec le leitmotiv que chacun doit faire sa part, nous avons évolué sur la question et nous invitons à présent les entreprises à faire leur part aussi.
Une inflexion pour diverses raisons. Les entreprises doivent accompagner la quête de sobriété des individus. Exemple : si les gens utilisent leur vélo pour aller travailler mais que dans leur entreprise il n’y a ni parking à vélo, ni douche, ni reconnaissance financière équivalente à celle versée pour ceux qui prennent les transports en commun, les vélo tafeurs, c’est le joli nom donné aux personnes qui vont travailler à vélo, seront vite démotivés.
Deuxièmement, comme l’a démontré le cabinet Carbone 4 dans une étude appelée "Faire sa part", même si tous les français faisaient le maximum des actions individuelles possibles, on ne réduirait en France que de 25 % les émissions de GES, le reste incombe aux collectivités et aux entreprises. On pourrait chipoter sur certains points et arguer que ce sont nos modes de consommations qui induisent un mode de production qui nuit au climat.
En effet, si les français achetaient bio et local, ça annulerait les pollutions liées à toute la chaîne agroalimentaire en supprimant les pesticides chez l’agriculteur, l’énergie dans les usines de transformations et de toute la chaîne de transport et de distribution. Mais globalement il est vrai que chaque individu est limité par l’environnement social et technique dont nous avons hérité, bâti sur la promesse d’une énergie fossile bon marché et illimitée. Typiquement pour diffuser et écouter cette chronique nous avons besoin de produits et de composants sur lesquels nous n‘avons pas la main.
Le sujet est complexe. On pourrait enchainer les injonctions, yakafokon, et s’appuyer sur de nombreux exemples d’entreprise vertueuses comme Pocheco près de Lille qui produit des milliards d'enveloppes en étant 100 % écologique. Prenons l’exemple d’un éditeur de presse, au hasard Kaizen. Quand bien même nous avons une vision écologique , en imprimant un magazine tous les deux mois, nous avons un impact sur l’environnement. Notamment avec le papier, l’impression et le transport des magazines en France, alors que faire ? Arrêter le papier et passer au 100 % numérique ? Pas sûr quand on sait que les émissions liées au numérique sont plus importantes que le secteur de l’aviation .
Et toutes les entreprises sont confrontées à ce genre de questions ! D’autant qu’en fonction des choix se pose la question de l’emploi. En restant sur le secteur de la presse, si tous les journaux magazines papiers arrêtaient l’impression, ça aurait un impact direct chez les imprimeurs et vendeurs de journaux qui devront licencier. Donc on ne peut pas reproduire le concept de faire sa part au monde entrepreneurial. Car notre modèle social repose sur la création de richesse générée par les entreprises. C’est donc une question systémique, qui demande concertation et planification entre entreprises et l'État pour un vrai changement de paradigme bien plus qu’un verdissement des entreprises. Comme l’a dit Aurélien Barreau : "tant que nous appellerons croissance, un modèle qui détruit le vivant, quand bien même les entreprises sont neutres en émission carbone nous n’avons rien compris".
Prendre de la hauteur et nous poser deux questions, notre capacité à rompre avec la croissance, et notre rapport au travail. Comme le détaille la philosophe Céline Marty, depuis la révolution industrielle le travail dévore nos vies, il est devenu une valeur cardinale de nos société au détriment de notre qualité d'être. Elle invite donc à s’émanciper du productivisme. Pour avoir plus de temps pour soi, pour les autres, pour le vivant. Un vrai travail !
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