[NDLR : Cette émission a été enregistrée avant le mouvement de manifestations contre les violences policières et le racisme suite à la mort de George Floyd.]
Il aurait pu être politicien. À Sciences Po, Karim Mahmoud-Vintam a côtoyé Emmanuel Macron, Najat Belkacem ou Rama Yade. Mais il "n'aime pas la politique telle qu'elle se fait aujourd'hui". Ce qui doit être selon lui une "affaire de conviction, de vision, de conscience", "meurt de son clanisme, de son sectarisme". Il ne mâche pas ses mots quand il parle de "jeu d'appareils" qu'il trouve "malsain et délétère". Ancien conseiller du président de la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture), ce surdiplômé a co-fondé l'association Les Cités d'or. Une association qui a pour ambition de (r)éveiller les consciences citoyennes et de donner aux jeunes des perspectives d'avenir.
"Nous sommes ce que nous choisissons d'être, affirme Karim Mahmoud-Vintam, nous sommes tous porteurs d'héritages multiples et dans ces héritages-là, nous avons tous un travail de discernement à faire. De mes héritages, qu'est-ce que j'accepte d'assumer et de prolonger ? Et qu'est-ce que je choisis de laisser de côté ?" Choisir, "en fonction de qui on est" et aussi "de quel monde on aspire à constribuer à construire".
D'origine tunisienne et bretonne par son père, anglaise et guadeloupéenne par sa mère, âKarim Mahmoud-Vintam a fait, tout au long de son parcours, l'expérience du regard de l'autre dans lequel il se trouvait trop ou pas assez blanc, noir, arabe... "On a tous plus ou moins tendance à catégoriser les gens ou à les étiqueter, en conclut-il, l'identité c'est quelque chose de très mouvant, de très fluctuant, et de tout à fait multiple. On est tous plusieurs choses à la fois et il faut vraiment tenir bon pour refuser de choisir, y compris quand on souhaite nous y obliger."
S'il a brillamment réussi à l'école, son frère a décroché à 16 ans. Malgré cela, Karim et Sandy sont restés très proches, ils ont créé ensemble Les Cités d'or en 2007. Leur ambition : donner à des jeunes la possibilité de devenir acteurs de leur vie et de la société. En France, 17% des jeunes de 16 à 29 ans ne sont ni en emploi ni en formation. "Malheureusement l'école, notamment dans notre pays, reste un système de tri - de tri ! Il va falloir trier les enfants conformément à des critères qu'on estime juste et impartiaux - à mon avis, ils ne le sont pas - et on va favoriser certains types d'intelligences au détriment d'autres." Au détriment de l'intelligence manuelle, émotionnelle, relationnelle, poétique... Pour Karim, son frère n'était pas moins intelligent, il n'a simplement pas intégré "les codes de l'école".
Pour Karim Mahmoud-Vintam, il y a trois France. Celle des "gagnants du système scolaire" : "Les premiers de cordée qui vont se convaincre du fait qu'ils sont les meilleurs et que grosso modo, le monde leur appartient. Ils vont en être convaicus pour beaucoup quels que soient les démentis que puisse leur apporter la vie par la suite !" Il y a ensuite les "perdants de ce système, qui eux, pour beaucoup, vont rester convaincus toute leur vie, quels que soient les démentis que cette même vie puisse leur apporter, qu'ils sont nuls, qu'ils sont incompétents et qu'ils sont insuffisants". Et puis il y a "un marais" d'individus au "parcours scolaire moyen", qui vont "peut-être parfois avoir l'occasion de se révéler et de gagner en estime de soi..."
"Il ne peut pas y avoir de citoyenneté sans confiance en soi et sans estime de soi, sans confiance dans les institutions qui suscitent la participation démocratique." Or aujourd'hui, Karim Mahmoud-Vintam note un "décalage qui est constant entre les principes affichés, qui dans notre pays sont des principes généreux, amibitieux, magnifiques, universels, et les pratiques effectives". Un "décalage" tel "que ça disrédite les institutions qui portent ces paroles". Les jeunes qui viennent aux Cités d'or pour six mois, en service civique, sont d'horizons très différents. Ils viennent "pour explorer cinq compétences civiques humaines fondamentales", telles que "savoir argumenter, s'informer, se connaître et s'accepter, tisser du lien et comprendre leur environnement".
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