Je voulais commencer en vous parlant d’un temps que les plus jeunes ne connaissent pas. J’étais moi-même encore tout jeune quand les imprimantes et les outils de traitement de texte informatique ont commencé à se généraliser. Et à l’époque, on disait que, parmi les nombreux avantages, on utiliserait beaucoup moins de papier puisqu’on n’aurait plus besoin de brouillon. L’informatique allait sauver la forêt !
Bon, la suite a prouvé qu’au contraire, on s’est mis à imprimer tout et n’importe quoi, tout le temps, puisqu’il suffit d’appuyer sur un bouton, mais ce qui est intéressant c’est cet appel à « protéger la forêt » dans les premières années de la prise de conscience du grand public. Il y avait un acte très concret, celui d’économiser le papier, et c’est resté.
Au point qu’aujourd’hui, certains nous expliquent que les écrans de pub électriques, particulièrement agressifs, plein de composants électroniques et qui consomment énormément d’énergie, seraient plus écolo que les affichages classiques parce qu’ils ne consomment pas de papier. Dans le même esprit, certains préfèrent s’équiper avec des tablettes bourrées de composants rares, fabriqués grâce au travail des enfants dans les mines, et qui consomment encore plus, pour ne pas imprimer. Tout cela alors que la production de papier semble beaucoup plus propre qu’il y a 30 ou 40 ans, et que le bois utilisé est issu de forêt d’exploitation. Peut-on encore appeler ça une forêt d’ailleurs ?
La forêt est mal connue mais elle reste une référence. Peu de gens savent reconnaitre les différentes essences d’arbres ou savent reconnaitre quand ils traversent une parcelle d’exploitation pure avec ses arbres alignés au cordeau, mais la forêt est intimement liée à notre histoire. Certains ont peut-être de vagues souvenirs de l’expression « la Gaule chevelue » qu’on apprenait en histoire. Dans le Haut Doubs que je connais bien, mais dans toutes les zones de montagne de façon générale, on voit la forêt qui reprend les zones où on venait anciennement pâturer avec les bêtes. Les paysages évoluent très vite en fonction de l’activité humaine.
Et puis, l’arbre est un marqueur de temps. Nous connaissons tous un arbre depuis plusieurs années. Un arbre qu’on ne voit pas changer, juste évoluer avec les saisons, et qui nous rappelle 20 ans après, qu’on a vieilli sans s’en rendre compte. Alors que lui est toujours là. Plus grand, plus épais mais toujours là. Ou au contraire, il n’y a plus qu’une souche ce qui nous vieillit encore plus. « Même si le monde devait disparaitre demain, je planterais quand même un arbre aujourd’hui » disait Martin Luther. L’arbre nous rappelle le temps long.
Même l’arbre dans une forêt d’exploitation agricole. Ce n’est pas une production qu’on moissonne chaque année. L’arbre est à la fois une force mystérieuse tout en restant fragile. Ce n’est pas un rocher, dont on a l’impression qu’il est éternel, mais on ne l’arrache pas non plus comme on couperait une fleur, et si Idéfix, le petit chien d’Astérix, s’évanouit quand on arrache un arbre, ce n’est pas pour rien.
Au-delà de l’impact fondamental sur la biodiversité, la forêt est aussi un élément spirituel, témoignage de quelque chose qui nous dépasse. Ce que rappellent ces vers de Baudelaire que vous connaissez sans doute : « La Nature est un temple où de vivants piliers. Laissent parfois sortir de confuses paroles ».
Jeunes de la "génération climat", Alexandre Poidatz et Stacy Algrain livrent en alternance, chaque semaine, leur regard sur l'écologie et leurs clés pour changer le monde.
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