Vigueur et précision de la critique du climatoscepticisme, définition d'un nouvel "anthropocentrisme situé" et plaidoyer politique avant la COP28 : ce sont les trois "élans prophétiques" repérés par Adrien Louandre dans Laudate Deum, le nouveau texte du pape François sur l'écologie.
Chacun et chacune doit pouvoir lire ce court texte de 26 pages pour se l’approprier ! À titre personnel, je retiens au moins trois surprises. Je m’attendais à ce que le pape soit dans la continuité de Laudato Si dans sa critique de ce qu’il appelle le paradigme technocratique, des énergies fossiles et lorsqu’il évoque la nécessité d’un "multilatéralisme par le bas". Mais trois points m’ont surpris particulièrement, et dans chacun de ces points, le pape démontre, une fois de plus, que c’est un remarquable analyste et prophète.
La première surprise est la vigueur avec laquelle, d’entrée, il critique les arguments climatosceptiques classiques : de la confusion entre météo et climat, de la fausse critique sur la démographie où, pour certains la solution serait de faire moins d’enfants plutôt que de mieux répartir les richesses, au chantage à l’emploi : tout y passe. Au contraire, le pape évoque un "point de rupture" et un "péché structurel". Est-ce à dire que pour lutter contre ce péché structurel, (§LD3) seule une "écologie de rupture" (LD§2) serait efficace ? Le point 58 pourrait laisser à penser que le pape encourage le radicalisme, comme par exemple la désobéissance civile, face aux multinationales ou même à certains responsables ecclésiaux d’ailleurs, qui voudraient "ridiculiser" les activistes et les scientifiques. En somme, prôner l’engagement fût-il radical, face à l’irresponsabilité et au déni de quelques-uns.
Un point qui pourrait passer inaperçu où le pape parle "d'anthropocentrisme situé" (§LD67). Je ne sais si on se rend compte de la révolution qu’il y a derrière ce terme : le pape trouve, encore, un nouveau juste milieu où il permet de garder la dignité spéciale de l’être humain tout en le laissant au sein d’une Création où, rappelle-t-il en citant St Luc au chapitre 12, "aucun passereau ne sera oublié devant Dieu" (Luc 12,6). Il y a bien ici un changement de regard à adopter car, écrit-il avec force et poésie (§LD15) nous sommes dans un système où les "autres créatures ne sont plus des compagnons mais des victimes". Encore une fois, le pape a raison dans ses élans prophétiques.
Que ce texte est avant toute chose un plaidoyer politique pour la COP28 à Dubaï. Il renoue avec ce style d’interpellations publiques. Réaliste, le pape sait bien que ce sera compliqué, mais il se place dans une perspective d’espérance chrétienne. Je ne pensais vraiment pas que ce texte serait cela avant toute chose, explicitant la nécessité d’une action politique forte, responsabilisant chacun à la mesure de ce qu’il peut faire. À aucun moment le pape ne culpabilise par exemple, les paysans ou les plus pauvres qui ne peuvent faire grand chose à leur niveau.
J’anticipe une critique : certains diront que le texte n’évoque Dieu directement qu’à sa toute fin : mais avons-nous nécessairement besoin de parler directement de spiritualité pour que Dieu soit présent ? Ne l’est-il pas aussi lorsque l’on agit pour les autres, alors que la politique est, d’après Pie XI, la plus grande forme de charité ? Est-ce à dire que le Cantique des Cantiques et l’Ecclésiaste, où Dieu est tout juste mentionné, n’évoqueraient pas Dieu ? Ce texte fustige, au contraire, l'idolâtrie d’un système qui oublie Dieu. En présentation au Vatican de Laudate Deum, le pape disait clairement aux activistes présents qu’il soutenait leurs actions. Que "le futur appartient aux jeunes". Merci, Saint-Père pour votre soutien. Oui, "le monde chante un amour infini, comment ne pas en prendre soin ?" (§LD65).
Jeunes de la "génération climat", Alexandre Poidatz et Stacy Algrain livrent en alternance, chaque semaine, leur regard sur l'écologie et leurs clés pour changer le monde.
RCF est une radio associative et professionnelle.
Pour préserver la qualité de ses programmes et son indépendance, RCF compte sur la mobilisation de tous ses auditeurs. Vous aussi participez à son financement !