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On se soulève

Un article rédigé par Stacy Algrain - RCF, le 27 juin 2023  -  Modifié le 17 juillet 2023

L'actualité de la dissolution des Soulèvements de la terre inspire à Stacy Algrain une réflexion en forme de poème sur la justice.

Stacy ALgrain Stacy ALgrain

Audiard disait “La justice, c’est comme la Sainte Vierge, si on la voit pas de temps en temps, le doute s’installe.”

Je regarde autour de moi, m’arrête quelques instants sur ces cartons dans le coin de la pièce. Ils s’empilent jusqu’au plafond, menacent de s’effondrer. L’équilibre est précaire.

Sur les côtés, quelques annotations au marqueur noir attirent mon attention.
Je me rapproche, bien décidée à comprendre l’origine de tout ce bazar.

Qu’y a-t-il donc d’écrit sur ces cartons ?

Des chiffres et des lettres.
Mon écran de TV toujours éteint, il s’agit bien de caractères mystérieux inscrits sur ces boîtes.

Je commence tout en bas et remonte lentement.
1894, Dreyfus.
1955, Parks
1964, Mandela
1991, Rida Daalouche
2001, Outreau
2020, Floyd

Tel l’un de ces grands puzzles de mon enfance, je tente de recoller les morceaux. Fragments d’Histoire toujours présents dans ma mémoire, je me souviens des mots de Zola dans “J’accuse…”

J'accuse le lieutenant-colonel du Paty de Clam d'avoir été l'ouvrier diabolique de l'erreur judiciaire, en inconscient, je veux le croire, et d'avoir ensuite défendu son œuvre néfaste, depuis trois ans, par les machinations les plus saugrenues et les plus coupables.
J'accuse le général Mercier de s'être rendu complice, tout au moins par faiblesse d'esprit, d'une des plus grandes iniquités du siècle.
J'accuse le général Billot d'avoir eu entre les mains les preuves certaines de l'innocence de Dreyfus et de les avoir étouffées, de s'être rendu coupable de ce crime de lèse-humanité et de lèse-justice, dans un but politique et pour sauver l'état-major compromis.

Il en accuse bien d’autres de ces mêmes crimes, de déni de justice, d’affront à notre humanité et à la racine de ce qui fait d’une somme d’êtres, une société.

Rosa Parks, elle, n’accusait personne si ce n’est un monde malade qui broyait les corps des hommes et des femmes noirs. Elle le disait, non, elle n’avait pas refusé de céder son siège par fatigue. À seulement 42 ans, habituée des longues journées de travail, elle n’était en réalité fatiguée que d’une seule chose : céder.

Céder, il n’en était pas non plus question pour Mandela qui pour des idées plus grandes que les Hommes paya le prix de sa liberté.

Liberté chérie, de celle dont Rida Daalouche a également été privé. Accusé à tort, pris pour un autre, lui, bien coupable mais toujours inconnu. 5 ans au trou, 5 années de trop.

Outreau, plus question de privation de liberté mais d’innocence. Enfances ruinées, accusés relaxés. La honte toujours ancrée dans les journaux, sur les réseaux.

Vidéo. “I can’t breathe”. George Floy. Un homme à terre croulant sous le poids d’un autre. Empilez les corps, cachez les bavures, justifier l’injustifiable.

Fût un temps où on appelait ça une guerre.

La terreur, les camps qui s’affrontent, si ce n’est qu’aux armes des uns, s’opposent des enveloppes charnelles.

Fragiles comme la vie qui les font se tenir debout.
Coeurs qui crépitent, voix qui scandent.
Se tenir fière, parfois à genoux.
Se relever,
danser,
chanter.
Réprimande.

Comment on fait quand les mots et les idées font pleuvoir les coups ?
Comment on fait quand on veut juste pouvoir vivre dans un monde qui devient fou ? Comment on fait quand les cours d’histoire nous ont mieux appris à trouver des ennemis que le sens du mot justice ?

Justice

La justice est de ces mots qui sifflent entre mes lèvres.
Sensation douce et sans accroc,
Justice, justice, justice,
C’est d’elle dont j’aurais voulu écrire le nom dans mes cahiers d’écolier
Sur les murs, sur ta peau, sur notre drapeau,
Sans rature et sans détour,
D’une ligne une seule,
Liberté, égalité, fraternité
Justice,

Justice pour nous qui pouvons encore l’ouvrir,
Justice pour ceux condamnés au silence,
Justice pour ces générations intranquilles et celles à l’avenir fragile,

Quand tout fout le camp, mais qu’on y croit.
Citoyens, citoyennes.
Elles et ils, Génération baby-boom et Z,
Qu’on nous enchaîne et nous opprime,
Qu’on nous musèle et nous mette à terre,
On fait mentir les puissants, on réécrit la grande Histoire,

On se soulève.

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© RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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