La pauvreté continue de s'installer en France, selon le rapport du Secours Catholique du 14 novembre 2024, intitulé "Quand la solidarité s'éloigne". L'association s'inquiète en particulier de la difficulté d'accéder à la protection sociale. Zoom dans le département du Morbihan.
D'année en année, "la pauvreté s'aggrave" en France. C'est le constat alarmant que dresse le Secours Catholique dans son rapport annuel, publié le 14 novembre 2024. L'étude se fonde sur les données collectées par l'association, en 2023, auprès de ses bénéficiaires afin de se représenter "une photographie statistique de la situation", introduit Audrey Lemarchand, déléguée départementale du 56.
Dans le Morbihan, un quart des personnes accueillies en 2023 étaient sans ressources. Un "chiffre record", selon l'association, "qui témoigne de l'aggravation des conditions de vie". A l'échelle du département, le niveau de vie médian des ménages s'établit à 555 euros par mois, bien en dessous du seuil de pauvreté fixé à 1216 euros (Insee - 2022). Sur les 4 500 familles rencontrées pendant l'année, 93% des ménages présentaient un niveau de vie inférieur à celui-ci.
Cette pauvreté se "caractérise par une féminisation de la précarité", expose la déléguée départementale. "Les femmes représentent 63 % des personnes accompagnées dans nos accueils" et 25% sont des mères isolées. Un sujet auquel s'était déjà attaquée l'association lors de sa précédente étude.
Dans son rapport 2024, le Secours Catholique met cette fois l'accent sur le non-recours aux prestations sociales. En effet, l'accès aux droits est rendu difficile en raison de la méconnaissance des aides, de la difficulté à les obtenir et de la peur d'être stigmatisé. Censée reposer sur la solidarité nationale, la protection sociale relève de plus en plus d'un "parcours du combattant".
53% des personnes accueillies éligibles au RSA ne le perçoivent pas dans le Morbihan et 44 % des personnes qui pourraient percevoir les allocations familiales ne les touchent pas
Audrey Lemarchand l'explique en trois raisons. Le premier facteur attrait à l'éloignement géographique. "Aujourd'hui, la mobilité, notamment en zone rurale, est un facteur crucial." Même si les maisons France Service se sont développées sur le territoire, "elles ne répondent pas pour autant aux questions", attenant par exemple à "la CAF".
Le second volet dépend de l'éloignement physique ou de la dématérialisation des démarches. "Les guichets sont remplacés par un formulaire en ligne", constate la salariée du Secours Catholique. Donc sans ordinateur, on ne peut pas accéder à son dossier (...), ni prendre rendez-vous avec un conseiller".
L'éloignement solidaire constitue le dernier volet. D'après Audrey Lemarchand, "la dématérialisation s'accompagne de l'augmentation des ruptures de prestations sociales". Cela conduit, a fortiori, à "un fort sentiment d'exclusion sociale de la part des personnes que l'on reçoit" qui dépendent alors de quelqu'un pour mener des démarches administratives.
Bénéficiaire du Secours Catholique depuis quelques mois, Laura est confrontée à un véritable "nœud administratif". Après avoir touché des prestations de la CAF à la naissance de sa fille, 18 mois auparavant, l'administration lui réclame à présent 1300 euros. "La MSA (mutuelle sociale agricole, ndlr) et la CAF se tirent dans les pattes" à propos de sa situation. "On ne sait pas nous répondre, constate dépitée la mère de 36 ans, on a plus de problèmes que de solutions".
Le rapport formule plusieurs recommandations pour tenter d'humaniser la protection sociale et de fournir des réponses aux personnes demandeuses. La première d'entre elles est la nécessité "de remettre des ressources humaines au contact des usagers". Objectif : "pouvoir parler à quelqu'un au bout du fil ou derrière un guichet".
En ce sens, l'association préconise de "garantir un accès physique au sein des administrations" et d'intensifier "les dispositifs "d'aller vers"" en développant les espaces France Services déjà existants. Elle milite également en faveur de l'instauration d'un "revenu minimum insaisissable".
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