Ce mardi, l’attaquante internationale zambienne Racheal Kundananji est devenue le plus gros transfert du football féminin en quittant le Real Madrid pour le club américain de Bay FC pour un montant de 735.000 euros. Ce n'est pas le montant qui choque, mais les termes utilisés pour en parler.
Hier matin, à la suite de diverses circonstances, j'ai pris ma voiture pour me rendre au travail au lieu de prendre les transports. J’écoute donc la radio, au lieu de me plonger dans la lecture d’un livre. La radio de ma voiture ne disposant pas de la DAB+, j’écoute nos collègues de la Première. Et lors du journal parlé, j’apprends que vient d’avoir lieu le transfert le plus cher de l’histoire pour une joueuse de foot.
Ce qui me frappe dans cette information n’est pas le prix, les montants sont toujours élevés. Non, ce qui me frappe c’est le terme “acheté” utilisé par le journaliste. Attention, le but n’est pas de lancer la pierre puisque c’est du vocabulaire que l’on entend régulièrement en période de mercato : vendre, acheter et parfois même prêter un joueur. D’ailleurs, mercato ça veut dire marché.
Mais ces termes ne vous font pas penser à autre chose? A part des objets et, à la limite, des animaux, pourquoi a-t-on longtemps utilisé les termes acheter ou vendre? Pour quelle “catégorie” d’êtres humains? Vous y êtes, les esclaves. Est-il judicieux que notre vocabulaire soit le même pour parler des sportifs? Car en réalité, ce n’est même pas le joueur qui est acheté mais son contrat et il a encore son mot à dire.
Une autre question que l’on peut se poser serait : n’aurions-nous pas tendance à objectiver les sportifs?
Autre aspect du monde du sport professionnel qui me vient à l’esprit lorsque je réfléchi à cela, et j’exprime clairement mon opinion ici, c’est que l'on joue parfois avec la vie des gens qui y sont impliqués. Je sais pertinemment que les sportifs et les coachs ne sont pas les plus à plaindre financièrement. Mais, pense-t-on parfois au fait que les coachs peuvent avoir un job le matin et le perdre à la fin du match au soir? Qu’une blessure peut reléguer au banc un joueur? Il y très peu de métiers où ces situations ont des conséquences aussi radicales.
Ces professionnels du sport sont parfois ballottés de saison en saison, de club en club pour notre divertissement et surtout au gré des envies des puissants à qui appartiennent ces clubs. Et à en croire le vocabulaire qu’on utilise, pour y revenir, les joueurs leur appartiendraient aussi.
S’ajoutent ensuite à ça les supporters. Parce que chaque supporter à son club favori qu’il considère comme son club. Encore une fois on s’approprie la chose et les personnes qui y sont incluses. C’est entre autres ce que les supporters du RWDM ont fait comprendre aux joueurs en interrompant la rencontre contre Eupen parce qu’ils étaient mécontents du résultat. C’est leur club, et les joueurs ne font pas bien leur travail. C’est, en tout cas, ce que j’ai pu en comprendre.
Comme je le disais au début de cet édito, il n’est pas question ici de jeter la pierre à qui que ce soit. Je vous offre simplement quelques réflexions qui s'imposent parfois à moi. Et bien sûr qu’il y a des choses plus importantes et plus urgentes dans la vie, et dans notre monde, que de s'inquiéter de comparer des sportifs à des objets ou des esclaves. Peut-être que je me trompe d'ailleurs dans ma réflexion et dans ce cas, veuillez m'en excuser.
Pour finir, je pense que notre vocabulaire, et la connotation qui peut être véhiculée par les mots que nous utilisons sont souvent le reflet de notre société. Une société que nous nous devons, en tant que journaliste, d’interroger.
Cet édito est donc cela : une interrogation du vocabulaire de notre société et de ce que l'on veut qu’il véhicule.
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