Cette année, la journée mondiale contre la peine de mort célèbre ses 20 ans. Vingt années de combat sans répit avec un constat simple : aujourd’hui, sur les 195 pays reconnus par les Nations Unies, 55 pratiquent encore la peine de mort. Si cette sentence a totalement disparu en Europe, elle est encore courante et fréquente en Irak, au Japon, ou aux États-Unis.
Si la France a aboli la peine de mort en 1981, il s’agit maintenant d'œuvrer à étendre cette abolition aux 55 pays restants. Bernadette Forhan est vice-présidente catholique de l’ACAT-France. Elle milite depuis 50 ans pour "faire savoir ce qu’il se passe dans les prisons, pour le mettre sur la place publique". Pourtant, dès qu’un crime de masse ou un attentat a lieu sur leur territoire, les Français questionnent la peine de mort. Et pourtant aussi, "à travers le monde, 18 Français sont condamnés à mort dans d’autres pays, dont 11 en Irak". Du 15 au 18 novembre 2022 aura lieu le 8ème Congrès mondial contre la peine de mort, à Berlin.
Bernadette Forhan souligne que pour elle, "démocratie et peine de mort sont totalement antinomiques". Les États-Unis font beaucoup parler d’eux à ce sujet. Sur 50 États, la moitié a aboli la peine de mort. Parmi eux, 13 s’y sont mis ces 15 dernières années. Valentine Cuny-Le Callet entretient depuis ses 19 ans une relation épistolaire avec un jeune condamné à mort en Floride. Elle rapporte que 99% des condamnés aux Etats-Unis ont grandi dans un milieu précaire, donc n’ont pas les moyens de se défendre. Bernadette Forhan insiste sur la "folie meurtrière" de Donald Trump qui, en cinq mois, a fait exécuter 13 personnes. Et même si beaucoup d’Américains semblent particulièrement attachés à la peine de mort, de plus en plus de jeunes s’engagent à travers les États et les continents pour abolir cette sentence et mettre en lumière les dérives en Arabie Saoudite, en Chine ou au Vietnam.
Valentine Cuny-Le Callet a 26 ans et étudie les Arts-Décos. De ses échanges avec Renaldo McGirth est née une réelle amitié. C’est par l’ACAT-France qu’elle est entrée en contact avec lui. Des associations permettent en effet à des civils d’entretenir des relations épistolaires avec des personnes incarcérées. Ces échanges sont un "fil ténu pour confirmer leur appartenance à la communauté humaine", et apportent de la lumière dans les cellules des prisons. "Ça n'a aucune importance pour moi", souligne Valentine quand on lui demande si elle pense que Renaldo est innocent. À l’ACAT, "on ne choisit pas son détenu sur catalogue".
Les échanges ont été pour Valentine l'occasion de comprendre la complexité de l’administration pénitentiaire américaine. Depuis mai 2022, les détenus de Floride ont l’interdiction de recevoir des lettres en papier. "Tous les échanges sont digitalisés ou photocopiés, ce qui aboutit à la déshumanisation la plus totale", souligne Bernadette Forhan. Le lien affectif qui naît parfois après de longs échanges de lettres est capital, pour les détenus comme pour les bénévoles. Et cette digitalisation réduit un peu plus un contact devenu essentiel.
Dans "Perpendiculaire au soleil" paru en août 2022 aux éditions Delcourt, Valentine Cuny-Le Callet a voulu raconter l’histoire de Renaldo. Elle présente le quotidien et l’histoire du jeune détenu. Arrêté à 18 ans, il en a aujourd’hui 34. "Il a dû faire sa vie d’adulte, forger sa culture en prison", précise-t-elle. Isolé 23h/24h dans sa cellule de cinq mètres carrés et sans accès à la lumière du jour, les lettres de Valentine sont pour Renaldo une vraie bénédiction. Et vice-versa. L'autrice est impressionnée par "sa sagesse", à laquelle elle rend honneur dans son album. C’est d’ailleurs un "travail à quatre mains" puisqu’il regroupe des dessins et textes de Renaldo.
L'objectif est aussi de faire bouger les choses pour que la condamnation à mort de Renaldo se transforme en une peine à vie, avec "d’autres conditions carcérales permettant de se construire une vie, en prison certes, mais une vie quand même". Raconter l’histoire individuelle de Renaldo permet de sensibiliser et d’éveiller les consciences sur la peine de mort. Avec l’avocate de son correspondant, Valentine milite pour qu’il puisse lire ce livre, fruit de leur travail et de leur relation. La peine de mort "renforce le cycle de la violence, c’est un outil de répression raciste et classiste qui condamne parfois des innocents", conclut Bernadette Forhan.
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