Découvrez l'analyse perspicace de Rik Torfs sur la montée de l'extrême droite en Flandre et les enjeux politico-culturels sous-jacents. “Ici, à Chaumont-Gistoux, quand on croise quelqu’un dans la rue et qu’il ne vous dit pas bonjour, il y a fort à parier que c’est un Flamand” dit Rik Torfs.
En vue des élections du 9 juin prochain, nous invitons Rik Torfs, professeur honoraire de droit canon à la K.U. L, ancien recteur, sénateur honoraire CDV, auteur de nombreuses publications et livres. Son livre sur le Vatican vient de paraître aux éditions Lanoo (2024). Rik Torfs est campinois d'origine. Il habite le Brabant wallon et est très présent dans les médias flamands et francophones. Il donne beaucoup de conférences en Flandre et accepte de parler avec tout le monde, quelles que soient les idées de ses interlocuteurs.
Le sujet de notre émission vise à mieux comprendre la mentalité des Flamands et les raisons de leurs choix politiques. Nous sommes en effet perplexes devant la forte progression du Vlaams Belang, parti d'extrême droite qui recueille près de 30 pour cent des voix selon le dernier sondage. Nous demandons à notre invité de résumer rapidement l'histoire de la Flandre. Voici ce qu'il nous dit : « La Belgique est une construction internationale. Les frontières des pays se font et se défont. La carte de l'Europe évolue, voyez l'exemple de la Tchécoslovaquie.
À l'origine en Flandre, seul le français était la langue officielle, parlée par la bourgeoisie. Le peuple parlait des patois. Mon arrière-grand-père, bourgmestre d'Anvers, parlait le patois anversois. Il a fallu du temps avant que le néerlandais ne devienne la langue véhiculaire de toute la Flandre. Lors de la Première Guerre mondiale, tous les officiers étaient francophones. Ils parlaient français aux soldats. Un mouvement flamand d'émancipation est né petit à petit. Pouvez-vous nous faire une comparaison lucide et rapide entre le Nord et le Sud du pays ? « Ils sont différents l'un de l'autre. Les cultures ne sont pas les mêmes. Les francophones ont plus le sens de l'hospitalité. Ils disent bonjour dans la rue, ils ouvrent facilement la porte de leurs maisons. Les Flamands beaucoup moins. Les contacts sociaux entre Flamands et Francophones se font rares. Les entrepreneurs flamands, en majorité travaillant au sein de petites et moyennes entreprises, vont de l'avant, sans attendre l'aide de l'État, ils aiment leur liberté d'entreprendre. Les francophones attendent beaucoup plus des autorités publiques pour entreprendre ». Comment expliquer la croissance de l'extrême droite en Flandre ? « Les Flamands ne sont pas contents des derniers gouvernements fédéraux, à savoir celui de Charles Michel et d'Alexander de Croo. Ils estiment qu'ils n'ont pas résolu les problèmes, ils n'ont pas modernisé l'État qui en a bien besoin, ils n'ont pas assaini l'endettement du pays. Ils leur reprochent leur inertie, leur immobilisme, leur mauvaise gestion. Ils ne veulent plus de cette stagnation et disent non à un gouvernement Vivaldi 2. A. de Croo n'est pas bien vu en Flandre, même s'il caracole en tête dans le paysage francophone. Donc le vote pour le VB est avant tout un vote protestataire. Selon Rik Torfs, le fossé entre les politiques et la population est dû au fait que les mandataires se sont éloignés de leur base. Les circonscriptions électorales sont trop grandes. Il faudrait modifier le système électoral et suivre l'exemple anglais. Quelles sont les valeurs à promouvoir en politique ? De manière surprenante, Rik Torfs répond du tac au tac : « Ah, les valeurs, ça c'est un mot bien francophone... » et puis d'ajouter : le respect des droits de l'homme, et surtout parler et discuter avec tout le monde. Il conclut par ceci : « Il faudrait plus d'humour... et de spiritualité en politique. Le christianisme est une grande richesse. Les évêques flamands sont trop discrets... ils ont peur ».
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