Cette rentrée est riche en contrastes. Je reviens tout juste d’un colloque des théologiens moralistes germanophones et francophones sur les droits de l’homme, et voici que l’actualité nous fait faire mémoire d’attaques terroristes, à Paris et à New-York, et nous rappelle que notre droit le plus élémentaire à la vie peut être bafoué d’une minute à l’autre. Chacun se sent impuissant contre ces nouvelles formes de guerre, qui induisent durablement la défiance réciproque au sein de nos sociétés plurielles.
Comment dépasser la tentation de l’impuissance désabusée ou du repli protectionniste ? Il s’agit de résister à l’insécurité en construisant une société pacifique, et il y a là une place privilégiée pour l’action des éducateurs, et pour toutes les familles. Il faut promouvoir une éducation à la fraternité, dirait le pape François.
Tous frères, certainement, mais ne faut-il pas d’abord apprendre aux enfants et aux jeunes à éviter les situations à risque et se défendre ? Les biologistes nous apprennent que tout vivant dépend de son milieu de vie et que celui-ci est toujours ambivalent : c’est un lieu de concurrence voire de prédation entre les espèces et même au sein d’une même espèce pour peu que les ressources soient limitées ; mais il est aussi le lieu des alliances qui permettent à des êtres très différents de s’enrichir de leurs compétences respectives. Il faut savoir discerner ce qui construit la vie ou le lien social sur le long terme.
En ce temps de rentrée, quels choix peuvent tonifier le milieu scolaire, universitaire ? La philosophe Corine Pelluchon parle des « nourritures » de tout ordre (matérielle, intellectuelle, affective, artistique, spirituelle, etc.) dont nous avons besoin pour vivre ou nous développer. Nous devons choisir avec soin parmi ce qui nous est proposé. Pour commencer, choisis bien tes amis, disait Don Bosco à ses jeunes !
Et la religion dans tout cela : n’est-elle pas un motif récurrent de violence ? Si nous sommes croyants, nous devons apprendre à ne pas simplifier Dieu en le réduisant à la réponse à nos besoins immédiats, fussent-ils essentiels, besoin de santé et de force, d’être estimé et aimé, que nos convictions soient partagées, etc. Il nous faut faire alliance avec un Dieu vulnérable autant que tout puissant, un Dieu désarmé autant qu’un Dieu des combats, un Dieu exposé à la précarité de notre attention à lui autant qu’un Dieu aimant et fidèle, et ainsi de suite…
On retrouve la prière d’Etty Hillesum plongée dans la violence des camps nazis : "C’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrites en nous […] Ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider- et ce faisant, nous nous aidons nous-même" (12 juillet 1942, Une vie bouleversée). En ce temps de rentrée, voici un critère pour une bonne amitié ou une juste relation à Dieu : qu’elle nous aide à renouveler chaque jour notre désir de favoriser la vie !
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