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Femmes exilées : une expérience différente de celle des hommes en migration ?

Un article rédigé par Lucie Rousvoal - RCF, le 14 février 2023 - Modifié le 17 juillet 2023
Je pense donc j'agisFemmes exilées : une expérience différente de celle des hommes en migration ?

Que savons-nous de l'expérience des femmes migrantes ? Leur parcours d’exil est-il différent de celui des hommes ? C’est une approche assez récente et peut-être surprenante car d’une part, la migration est souvent perçue comme un phénomène plutôt masculin, avec tout au plus des femmes qui suivent ou rejoignent leurs maris, et d’autre part, on n’a pas vraiment conscience que l’expérience des femmes migrantes est très différente de celle de leurs homologues masculins.

Revue Projet / Femme exilée en compagnie de son enfant dans un Centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada), à Béziers © Nathalie Bardou/La CimadeRevue Projet / Femme exilée en compagnie de son enfant dans un Centre d’accueil de demandeurs d’asile (Cada), à Béziers © Nathalie Bardou/La Cimade

Migration des femmes : quel état des lieux ?

 

Selon les données de l’Institut national d’études démographiques, 51 % de la population migratoire est féminine. C’est 5 % de femmes en plus par rapport à 1982 en France. On a tendance à penser que l'immigration touche principalement les hommes alors qu'elle est majoritairement féminine. Le dernier numéro de la Revue Projet, présenté par Benoît Hervieu-Léger, témoigne de ce phénomène. Il nous informe des différents profils de femmes qui s’exilent et leurs raisons. Les Français ont tendance à réduire la migration au regroupement familial où les femmes rejoindraient avec leurs enfants, leur conjoint exilé, mais la situation est plus complexe. S’exilant souvent seules, les femmes les plus jeunes viennent des pays de la corne d’Afrique comme l’Éthiopie et la Somalie et terminent finalement leur périple à Calais.

 

Leur départ est encouragé par une prise de conscience face aux conditions extrêmes comme les mariages forcés ou l’excision faites aux femmes dans certains pays. "J’ai rencontré une jeune Afghane qui a fui un mariage forcé et elle avait un courage extraordinaire" témoigne Michelle, une auditrice, qui faisait partie de l’association Refuges Solidaires de Briançon.

 

Les stéréotypes sur la question migratoire se sont ancrés dès la période des Trente Glorieuses. À cette époque, l’immigration féminine était principalement originaire des pays de l’Orient, mais aussi de l’Espagne et du Portugal. Les femmes devenaient concierges ou femmes de ménage, d’où ces stéréotypes qui sont encore présents. Mais aujourd’hui, le regroupement familial n’est plus le facteur majoritaire de l’immigration. Beaucoup de jeunes filles s’exilent pour la poursuite de leurs études en France ou en Angleterre, avec pour certaines, un bon bagage scolaire et des diplômes. 

 

En effet, contrairement aux idées reçues, beaucoup de femmes exilées sont diplômées. Mais peu de diplômes sont reconnus une fois arrivées en France. Une entrave qui est accompagnée aussi par la difficulté à se faire délivrer des papiers d’identité, obligeant ces migrantes à se reconvertir dans des métiers pénibles et non valorisant. La Revue Projet met en avant ces travailleuses essentielles de seconde ligne qui ont été d’une aide primordiale durant la pandémie. Ces femmes s’orientent donc vers des métiers définis comme féminins alors qu’elles ne le souhaitaient pas forcément et récupèrent les métiers que certains Français ne veulent plus faire. Le projet de loi asile et immigration, présenté le 1er février en conseil des ministres, prévoit la création d'une nouvelle carte de séjour temporaire pour les étrangers exerçant un "métier en tension". Un projet de loi controversé car il remet en cause une certaine éthique. "Il y a un visa qui va permettre une forme de régularisation mais dans une période très courte. On reste sur une vision de la migration et une application d’une politique migratoire extrêmement utilitariste. C’est-à-dire qu’on accepte que les migrants viennent en France à condition qu’ils servent à quelque chose, pour combler le manque de personnel dans les métiers pénibles", dénonce Léopoldine Leuret. 

 

L'exil féminin, un parcours dangereux

 

"La vulnérabilité des femmes est essentielle pour comprendre la migration féminine. On assimile souvent les femmes à des personnes sédentaires qui suivent leur maris, alors que ce sont purement des stigmatisations patriarcales. On les voit comme des personnes qui ne pourront pas aller loin durant leur trajet périlleux contrairement aux hommes migrants !", dénonce Léopoldine Leuret, doctorante en sociologie à l’Université de Strasbourg. Cette vulnérabilité et ces stigmatisations n'empêchent néanmoins pas le danger. Beaucoup de migrantes souhaitent rejoindre l’Angleterre par Calais, et hormis sauter dans un camion, le deuxième transport reste le bateau, trop peu sécurisé pour un trajet de 30 kilomètres. D’autres dangers sont attendus sur la route de l'exil comme le proxénétisme. Des hommes au profil bienveillant peuvent venir en aide aux migrantes, mais souvent avec une l'idée de rentrer en France et utiliser leur corps et les prostituer.

 

Ce sont des conditions d’exil parfois extrêmes qu’affrontent ces femmes. Le parcours migratoire compliqué, la dangerosité autour, les conditions de vie sur place et la pénibilité des emplois sont un ensemble de contraintes qu’elles doivent surmonter. De nombreuses associations luttent avec ces femmes courageuses, fortes, à atteindre leurs objectifs. "Ca permet une visibilité des femmes dans leur ensemble, et la cause féministe en général" déclare enfin Léopoldine Leuret.

 

 

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