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Foi chrétienne, science, ... la philosophe Simone Weil peut-elle nous aider ? (2/2)

Un article rédigé par Science Défense et Foi (Observatoire Economique et Social du Diocèse de Bourges) - RCF en Berry, le 26 janvier 2024 - Modifié le 26 janvier 2024

C'est la suite de la précédente chronique consacrée à la philosophe Simone Weil.

Que nous apprend-elle sur les mathématiques, la science, la vie avec le Christ, et même ... les relations entre tout cela ?

Pour nous aujourd'hui, un siècle après, c'est étonnant !

Et nous ne sommes pas les seuls à le dire (de grands penseurs, un médaillé Fields, ...), chacun en tire quelque chose, ... et s'agace parfois d'autre chose. 

©Whiteimages/Leemage©Whiteimages/Leemage


Foi chrétienne, Science ... :

la philosophe Simone Weil peut-elle nous aider 
à y réfléchir aujourd’hui ?

(partie 2)

Agrégée à 22 ans, Simone Weil fut, entre autres, professeur à Bourges pendant un temps. On rappelle qu’après sa mort, Albert Camus consacre une partie de son énergie à éditer son œuvre, … on ne peut pas la considérer comme une philosophe sans intéret … D'ailleurs elle est de plus en plus citée ou appréciée, y compris là où on ne l'attend pas. En tout cas, Simone Weil n'est pas dans la liste des docteurs de l'Eglise !

Et sa foi chrétienne, c’est un sujet qui fait couler beaucoup d’encre ou de salive ?

Si le père Perrin op, Gustave Thibon, le directeur Bouglé de l’ENS (qui la décrit comme « un mélange d’anarchiste et de calotine ») et bien d’autres ont témoigné d’elle comme une chrétienne, si ses déclarations même précoces sont explicites, si sa Semaine Sainte de Solesmes ou la récitation solitaire du poème Love de Herbert sont des repères explicites sur la présence du Christ « présence plus personnelle, plus réelle que celle d’un être humain », le père abbé d’En Calcat la considère comme hérétique lors de son passage à l’abbaye en avril 1942… 

Elle raconte qu’elle récitait en travaillant, même dans les vignes de Provence, sans se reposer, le Notre Père… Peut être plus souvent que nous, … en tout cas, comme elle était Simone Weil, elle le priait … en grec !

Le reste lui appartient, c’est son secret avec Dieu, on verra au Ciel ce qu’il en est, c’est notre Espérance.

En tout cas, lors d’une de nos réunions, au groupe Science Défense et Foi du diocèse de Bourges, nous avions travaillé l’article de Laurent Laforgue, mathématicien français qui a reçu la Médaille Fields en 2002.

cf. Simone Weil et la mathématique par Laurent Lafforgue (Paris, Bibliothèque nationale de France, 23 octobre 2009)

Laurent Laforgue y indique à la fois qu’il a rarement vu quelqu’un exprimer aussi bien ce que sont les Mathématiques, et il témoigne de ce que sa lecture lui en a appris, non sans conclure d’une façon assez inattendue :

Cela [tout le raisonnement qu’il rappelle dans son article] suggère que, pour elle, le lien entre la vérité et les connaissances est analogue à celui du Christ et de la Croix. La vérité est élevée sur les connaissances, mathématiques et autres, comme le Christ est élevé sur la Croix.

Pour qui désire la vérité de toute son âme, la recherche des connaissances est une façon, en apprenant l'obéissance à la nécessité, de porter une croix sur le chemin du Christ.

Pour l'intelligence, la contemplation de la contradiction est une façon de se laisser crucifier avec le Christ, condition indispensable pour toucher la vérité. Telle semble être, selon le génie de Simone Weil, la destination ultime de la mathématique, de la science et de toute connaissance, en vue de la vie éternelle.

Les maths conduiraient au Christ ? Effectivement, on ne s’attendait pas à cela…

Oui, comme vous l’avez compris dans cette chronique et avec ce dernier exemple, la réponse était un peu dans la question quand nous demandions si Simone Weil pouvait nous aider à articuler science, vie et foi chrétienne… 

Si elle n’est évidemment pas la seule à pouvoir nous éclairer, la vie et les œuvres de Simone Weil gagnent à être connues. Le groupe Science Défense et Foi du diocèse de Bourges a passé plusieurs de ses séances, dont certaines publiques, à essayer d’en profiter. Chacun en a retiré quelque chose. Mais, par exemple, aucun d’entre nous n’a exactement réussi à faire sien le raisonnement de Laurent Laforgue dans son article, sans doute parce que, nous, nous ne pourrons jamais mériter une Médaille Fields !

Vous voulez dire qu’en lisant ses œuvres, tous n’ont pas été éclairés par la même chose ?

Oui. Simone Weil a des fulgurances, un raisonnement généralement solide, mais elle agace parfois quand on la lit aujourd’hui, comme elle agaçait ses contemporains, apparemment. 

Simone de Beauvoir, avec qui elle était étudiante, semble assez interloquée quand elle raconte dans les fameuses Mémoires d’une jeune fille rangée deux de ses interactions avec elles… De mémoire, elle raconte que dans son sillage (celui de S. Weil !) il y avait plein de garçons, et comment, s’étonnant que S. Weil pleurât depuis Paris à l’annonce d’une famine en Chine, celle-ci lui avait répondue du tact au tac « on voit bien que vous n’avez jamais eu faim ! » Apparemment la Grande Sartreuse n’en était toujours pas revenue !

Avec tout cela, on se dit que ce que nous a laissé Simone Weil peut nous aider à réfléchir. 

Oui, on pourra y revenir peut-être dans ces chroniques. 

Pour ce qui est de susciter la réflexion, laissons Simone Weil elle-même nous confier une de ses idées, exprimée en 1943, donc peu avant sa mort à la suite des privations qu’elle s’imposait par solidarité avec ses compatriotes qui n’étaient pas comme elle à Londres dans les bureaux du gouvernement de la France Libre :

Même dans les écoles on ne sait plus stimuler autrement la pensée des enfants qu’en les invitant à prendre parti pour ou contre. On leur cite une phrase de grand auteur et on leur dit : « Êtes-vous d’accord ou non ? Développez vos arguments. » A l‘examen les malheureux, devant avoir fini leur dissertation en moins de trois heures, ne peuvent passer plus de 5 minutes à se demander s’ils sont d’accord. 

Et il serait si facile de leur dire : « Méditez ce texte et exprimez les réflexions qui vous viennent à l’esprit. »

Presque partout -et même souvent pour des problèmes purement techniques- l’opération de prendre parti, de prendre position pour ou contre, s’est substituée à l’obligation de la pensée.

 [Simone Weil, Note pour la suppression générale des partis politiques, Londres, 1943, page 91 de « Luttons-nous pour la justice ? - Manuel d’action politique», éditions peuple libre, 2017]

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Comme ses chroniques sont confiées au patronage de Gaspard, trouvant avec ses collègues "roi-mages" l’Enfant-Jésus et l’adorant avant de s’en retourner vivre sa vie et sa vocation renouvelée, finissons par ce que dit Simone Weil sur l’innovation et la technique, prenant justement comme exemple cette capacité de trouver son chemin grâce aux étoiles :

« L’'astronomie, sans nous donner aucun pouvoir effectif sur le ciel, le fait entrer pourtant dans notre royaume ; au point que ces astres, dont le pouvoir de l'humanité réunie ne pourrait faire dévier le cours de l'épaisseur d'un cheveu, le pilote ose s'en servir comme de ses instruments. » 

 

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