Les économistes sont dans le brouillard. La métaphore est facile en cette saison, mais elle exprime assez justement le désarroi actuel des analystes, face à la hausse des prix à la consommation, aux changements de politique monétaire et aux tensions géopolitiques.
Dans tous ces domaines, nous nous rapprochons de points de bascule, sans que l’on sache pour autant si la bascule aura lieu. On observe la hausse de nombreux prix depuis l’été dernier, du fait de la forte reprise de la consommation alors que les difficultés d’approvisionnement, pour les entreprises, persistent.
Dans un premier temps, on pouvait penser qu'il s'agissait d’un phénomène passager, qui n'appelle pas de réaction. Mais avec la vague Omicron et les nouveaux confinements en Chine, les problèmes d’approvisionnement vont se prolonger, alimentant encore durablement l’inflation.
Nous risquons donc de basculer vers un phénomène de long terme, qui bousculera nécessairement notre système économique. Soit les salaires suivent la hausse des prix et l’on se dirige vers une spirale inflationniste. Soit les salaires ne suivent pas et dans ce cas-là, ce sont les tensions sociales qui prendront de l’ampleur.
La seconde rupture concerne la politique monétaire. Depuis la crise des subprimes en 2008, et plus encore depuis l’apparition du Covid en 2020, les banques centrales mènent une politique d’argent facile. Celle-ci est sur le point de s’arrêter. C’est ce qu’a confirmé la banque centrale américaine mercredi dernier. Cette normalisation de l’économie n’est pas vraiment une surprise. Elle va cependant secouer de nombreux acteurs.
Par exemple les bulles financières auront du mal à se maintenir si l’on coupe le robinet. Le bitcoin, une crypto-monnaie qui a tout d’une bulle, a ainsi perdu 30% de sa valeur depuis le début du mois. Plus sérieusement, la question du financement se posera également pour les États, qui se sont beaucoup endettés avec la politique du "quoi qu’il en coute". Comment vont-ils maintenir leur niveau de déficit si les taux remontent ? La question reste ouverte.
Comme vous le savez, les tensions entre l’Ukraine et la Russie sont à un niveau inédit. Emmanuel Macron doit s’entretenir aujourd’hui avec Vladimir Poutine, dans le but de trouver une issue diplomatique aux désaccords qui persistent. Si des actions militaires semblent possibles, des sanctions économiques de part et d’autre le sont plus encore. Les États-Unis font ainsi planer la menace d’une interdiction des transactions financières en dollars pour les citoyens Russes.
La Russie quant à elle pourrait jouer sur ses livraisons de gaz à destination de l’Europe, ce qui aggraverait encore les tensions inflationnistes que j’ai évoquées. Cette situation ne faisant que des perdants, on peut encore espérer que l’on en reste au stade des menaces. Quoiqu’il en soit, cela ajoute de l’incertitude et participe au brouillard qui enveloppe les perspectives économiques.
Chaque vendredi à 7h20 dans la matinale, Vincent de Féligonde, chef du service économique et social de La Croix, et Marc Pourroy, économiste et maître de conférences à l'Université de Poitiers, livrent leur analyse sur l'économie en France et dans le monde.
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