En 1928/1929, pour la première fois, les paysans représentent moins de 50% de la population française. En un peu plus d'un siècle le monde rural a connu des bouleversements inédits. Et notamment un exode rural incessant, du milieu du XIXè siècle aux années 1990. Eric Alary, spécialiste de l'histoire de la vie quotidienne des Français, a publié en mars 2016 "L'Histoire des paysans français" (éd. Perrin). Alors que s'amorce aujourd'hui un mouvement de retour à la terre, qui entend redonner toute sa noblesse au mot "paysan", il propose un regard sur la société paysanne et ce qui a fait son identité.
"Paysan". Confondant ruralité et agriculture, le terme est devenu péjoratif sous la plume d'un Balzac, d'un Maupassant ou d'un Zola. Au XIXè siècle pourtant la vie dans les campagnes n'est pas la même si l'on se trouve dans les plaines de Beauce, dans les vallées du Dauphiné ou le maquis provençal. Il n'y a eu guerre que George Sand pour dresser un portrait fleuri et rêvé d'une campagne gentille. A l'évocation du monde paysan en France jusqu'au début du XIXè siècle, la plupart imaginent un monde figé. Ce qui est surtout vrai c'est que le paysan au XIXè siècle ne cherche pas tant à faire du profit qu'à maintenir une exploitation familiale autosuffisante. Avant la Grande Guerre la campagne française a eu beaucoup de mal à se moderniser.
Le chemin de fer, l'école républicaine et le service militaire: une ouverture au monde inédite. On côtoie à l'armée d'autres mondes, on se déplace au-delà d'un rayon de 20 km pour aller vendre ses produits. Et surtout, les jeunes gens du monde rural découvrent qu'en ville on peut avoir un salaire fixe sans se préoccuper des récoltes. Un désenclavement qui profite à certains et fait disparaître d'autres mondes paysans, trop éloignés des gares ou des routes. A mesure que le fossé se creuse entre villes et campagnes, des écarts entres générations se font sentir. Un jeune revenu de l'armée sans son accent et c'est l'identité du clan familial qui est remise en question.
"Aujourd'hui très peu de paysans peuvent vivre avec moins de 100 voire 150 hectares", explique Eric Alary. Autrefois utile à l'agriculteur qui est sûr de lui vendre sa production, l'industrie agro-alimentaire crée de plus en plus d'intermédiaires entre le paysan et le consommateur. Le monde paysan connaît aujourd'hui de nombreux paradoxes, et a le sentiment qu'en grande partie le fonctionnement de l'agriculture leur échappe. "Il y a une déshumanisation du métier, un surendettement absolument insupportable fruit d'une rentablité à tout crin." En réaction, des mouvements comme les Amap ou la Confédération paysanne de José Bové ont émergé dans les années 1980. Ne reniant plus un terme autrefois péjoratif, bien au contraire. On lui associe désormais les termes d'authenticité, de qualité et d'art de (bien) vivre. La solitude dans les campagnes, reste, elle, un réel problème pour beaucoup d'agriculteurs.
- émission diffusée le 7 novembre 2016 -
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