Cela fait plusieurs mois que de nombreux acteurs, ONG, gouvernements, organisations internationales, tirent la sonnette d’alarme : une crise alimentaire majeure se profile. Qu’en est-il exactement ?
La situation est déjà catastrophique dans certains pays de la Corne de l’Afrique : Ethiopie, Kenya, Somalie. Dans ces trois pays, une personne meurt de faim toutes les 48 secondes, selon l’ONG Oxfam. La situation s’étend par ailleurs vers l’Afrique de l’Ouest. Au Tchad par exemple, un enfant sur dix meurt avant l’âge de 5 ans. On craint aujourd’hui que, du fait de l'envolée des cours mondiaux et des pénuries annoncées, cette situation ne se répande, et pas seulement dans les pays du Sud.
Il y a des causes locales, comme la guerre du Tigré en Ethiopie et les violences du groupe terroriste somalien Chabab, mais celles-ci ne permettent pas de comprendre pourquoi la situation est en train de se dégrader sur l’ensemble de la planète. Il faut donc regarder les causes globales. La première tient bien sûr aux déséquilibres causés par la guerre en Ukraine. Le prix de la tonne de blé est passé de 280 euros avant la guerre à 400 euros aujourd’hui. Le problème vient typiquement des bateaux qui ne circulent plus sur la mer Noire, voie incontournable pour exporter le blé, l’orge, le maïs ou le encore tournesol, dont dépendent les populations du pourtour sud méditerranéen, en Tunisie, Libye, Égypte ou au Liban notamment.
Le deuxième facteur global est le changement climatique. Nous avions pris l’habitude de voir le changement climatique comme une projection future, alors qu’il se concrétise aujourd’hui, sous nos yeux. On observe des évènements climatiques extrêmes sur tous les continents et concernant tous types de productions. La Chine par exemple a enregistré un nombre record d’inondations en 2021, ce qui a retardé les semis sur environ un tiers des surfaces habituellement en blé. En Inde, des chaleurs exceptionnelles et l’arrivée précoce des moussons ont atteint la production du sucre.
Au Brésil, ce sont des gelées tardives puis la sécheresse qui ont touché le café, réduisant la récolte de 24%, ce qui se traduit, là encore par une envolée des prix mondiaux. Au total 23 pays ont connu des difficultés et annoncé des restrictions aux exportations ses derniers mois.
A court terme on peut imaginer un accord sous l’égide de l’ONU pour escorter la sortie des produits agricoles ukrainiens. De même, des mesures rapides pour limiter les usages non-essentiels de produits agricoles peuvent être envisagées, elles viseraient par exemple à réduire la production de biocarburants.
A moyen terme, la part de la production agricole qui sert à nourrir le bétail, et donc à nous fournir une alimentation carnée, doit également être questionnée. A titre d’illustration, en 2021 la Chine a importé 28 millions de tonnes de maïs pour nourrir ses porcs, soit plus que les exportations ukrainiennes annuelles.
Enfin il est important de maintenir le cadre des échanges internationaux, afin que les pays qui ne sont pas producteurs puissent acheter. Autrement dit, ne pas répondre à la crise en mettant des barrières aux exportations chez nous, qui augmenteraient encore plus la crise chez les autres.
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