L’hommage rendu à Samuel Patti a souligné le travail d’accompagnement des jeunes et les mesures de protection prises vis à vis des professeurs exposés aux tensions interreligieuses dans leur établissement.
En pensant au programme prescrit par le pape François pour juguler d’autres violences : « accueillir, protéger, promouvoir, intégrer » (Fratelli tutti n°129), je ne peux que constater que les jeunes que l’on caractérise par leur différence culturelle ou religieuse ne se sentent pas vraiment « intégrés ». Et du coup, je regarde le 3ème verbe : dans cette situation, que signifie « promouvoir » ? Est-ce plutôt promouvoir des valeurs (la fraternité) ou promouvoir des personnes, pour empêcher qu’elles ne recourent à la violence pour se faire entendre ?
Dans l’optique du pape François, il s’agit de promouvoir des personnes, par exemple des jeunes dont l’estime de soi est fragile : que peut-on leur donner à vivre qui les mettent en valeur à leurs propres yeux et à ceux des autres ? Ou des jeunes qui se vivent en échec vis-à-vis d’autres jeunes dans un monde concurrentiel, et qui pensent se protéger en s’unissant pour attaquer les premiers. Il ne s’agit surtout pas de rêver à un autre monde et de renoncer à leur donner le maximum de ressources pour faire face à la concurrence, mais de trouver une pédagogie telle qu’ils expérimentent que le travail en collaboration, précisément à cause de la diversité des origines, fait gagner chacun en compétence et en efficacité.
Oui, car tous tendent à devenir des jeunes et des adultes sur la défensive. Et la piste ici n’est pas de renoncer à se protéger, mais bien, paradoxalement, de se protéger ensemble de la tentation de la violence. Le témoignage du dialogue interreligieux est significatif : au bout de plusieurs années, les bouddhistes et les chrétiens n’ont pas pleinement saisi la pensée de l’autre, le sens des mots, mais chacun ressent avoir progressé dans sa propre foi. Ou encore, de jeunes chrétiens reviennent d’un séjour humanitaire en pays d’Islam, et témoignent d’avoir été saisi par la foi des musulmans et relancés dans leur propre chemin de foi. Il s’agit de faire faire l’expérience de la richesse d’une rencontre en profondeur sans craindre d’être contraint à adopter la pensée de l’autre – l’adulte peut y veiller -, et d’en sortir enrichi, alors même que nos convictions sont contradictoires.
Oui, l’enseignement scolaire se limite à des données historiques et sociologiques objectives. Mais du coup, les collégiens ne savent pas comment gérer un dialogue sur la foi des uns ou des autres. Or il faut découvrir que le prosélytisme est non seulement à écarter comme une manipulation ou une contrainte, mais aussi parce qu’il m’empêche précisément d’entrer dans ce dialogue en profondeur où nous pourrions découvrir le paradoxe de l’enrichissement réciproque à partir de nos différences.
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