Pendant que certains rêvaient de vacances ou de tourisme au bord de la mer ou à la montagne, d'autres s'envolaient dans les cieux au nom du tourisme spatial. Une pratique nouvelle qui n'est pas exemptée de critiques.
Il s’agit ni plus ni moins que de décoller à bord d’une fusée pour se rendre dans la stratosphère où l’on passe quelques minutes en apesanteur avant de redescendre sur le plancher des vaches. Cet été deux voyages de ce type ont eu lieu, emportant Richard Branson, le fondateur du Groupe Virgin et Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon.
Forts du succès de ces premiers vols, ils envisagent tous deux le développement à grande échelle de cet activité : . Branson pense qu’il pourra prochainement envoyer des dizaines de touristes dans l’espace tous les mois. De même, un autre entrepreneur, Elon Musk, a mis en vente des tickets pour faire le tour de la lune en fusée. Très loin des missions scientifiques que l’on a connu par le passé, c’est une véritable industrie du tourisme spatial qui est en train de se constituer sous nos yeux.
En effet, on peut déjà s’attrister du fait que le rêve de voyager dans l'espace ne devienne qu'un objet commercial quelconque, offert au portefeuille des seuls milliardaires et donc un objet de frustration supplémentaire pour tous les autres. On pourrait se dire qu’au fond, les riches font ce qu'ils veulent de leur argent, mais ce raisonnement s’effondre quand on prend en compte la question environnementale, celle de notre maison commune.
Les scientifiques nous disent que si l’on ne veut pas dépasser 1.5 degré de réchauffement climatique alors nous ne devons pas émettre plus de 400 mds de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Pas plus. Au-delà, on court à la catastrophe. C’est notre budget carbone, notre budget commun. Cela représente 60 tonnes de CO2 par humain.
Or chacun des milliardaires qui se sont envolés dans l’espace cet été ont émis environ 75 tonnes de CO2 chacun.
Autrement dit ils empiètent déjà sur le budget des autres. Pour vous donner une idée, ils ont émis autant de CO2 en 10 minutes que ce que le milliard d’humains les plus pauvres émettront au cours de leur vie.
Par ailleurs, il y a quelque chose d'assez paradoxal dans l’avènement du tourisme spatial. Ces chefs d’entreprises, Bezos ou Musk, sont généralement aux premières loges pour nous expliquer que la croissance verte est notre avenir. Or par leur action ils décrédibilisent cette option.
A quoi bon la croissance si c'est pour avoir plus de milliardaires dans l'espace, et pas plus de revenus pour les pauvres ? À quoi bon l'innovation si elle contribue encore davantage à aggraver le problème climatique plutôt que de chercher à associer sobriété et qualité de vie ?
Pourquoi le rêve d’une poignée de milliardaires devrait conduire au cauchemar de l’humanité ? Si Joe Biden est réellement sincère dans sa volonté de reconstruire le leadership américain sur un modèle durable, alors il devra d'une manière ou d'une autre, faire en sorte que cette activité ne se développe pas.
Enfin ces événements nous rappellent qu’il y a des utopies bien plus terre à terre, comme s’assurer que chaque enfant en France puisse partir quelques jours en vacances. Bien loin du bruit des spationautes, ce sont là des combats qui méritent toujours autant notre attention.
Chaque vendredi à 7h20 dans la matinale, Vincent de Féligonde, chef du service économique et social de La Croix, et Marc Pourroy, économiste et maître de conférences à l'Université de Poitiers, livrent leur analyse sur l'économie en France et dans le monde.
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