Passer par l’art de la danse et la géographie pour sensibiliser aux questions écologiques : c’est le pari que relèvent à Strasbourg un chorégraphe et un géographe dans le cadre d’une balade-ballet en plein air sur le bord du Rhin. Un concept interpellant pour repenser la ville qui a lieu le dimanche 14 avril de 15h à 17h dans le cadre du Festival Arsmundo Utopie.
Vous organisez ce qu'on appelle : "une balade anthropocène". Qu'est ce que c'est ?
L'idée est de réfléchir à notre manière d'habiter le monde aujourd'hui et à cette fameuse transition écologique nécessaire, de ce monde qui doit nécessairement changer un tout petit peu d'optique.
Et comment s'est passé le travail entre vous, chorégraphe, danseur et le géographe Michel Lussault ?
En fait, le danseur et de géographe ce sont deux amateurs d'espaces. L'un et l'autre sont des observateurs, je dirais même des passionnés, des amoureux de la notion d'espace. Ce qu'il y a de particulier avec le géographe Michel Lussault c'est qu'il s'intéresse aux géographies humaines, à la question des spatialités et à l'entrelacement de ce mouvement. D'ailleurs, c'est assez marrant parce que souvent on parle de "ballet" quand on regarde les murmurations des oiseaux ou les coordinations dans les grandes mégapoles humaines. On se dit "Waouh ! Cette synchronicité! On dirait un ballet!" Il y a dans cette coordination, un regard particulier sur nos trajectoires et comment elles sont entremêlées les unes aux autres.
Concrètement, cette promenade dansante va se traduire par une marche à travers le port autonome de Strasbourg avec des lectures descriptives de paysages, des exercices sensoriels et des moments dansés.
Pourquoi avoir choisi ce lieu pour sensibiliser les personnes aux questions écologiques?
Le Port autonome de Strasbourg, c'est joli. Son acronyme, c'est le "PAS" qui est un quartier en conversion complète. Je pense qu'on est en train d'entrevoir la flèche du temps et le progrès comme une dynamique de construction positive. La notion de développement et de progrès ne marche pas que dans un sens. Donc c'est intéressant aussi de retrouver des attentions, des terrains, des histoires plus solidaires dans lesquelles les hommes ont interprété correctement et avec plus de discernement leurs liens aux environnements.
Selon les approches scientifiques, soit l'homme s'améliore, soit il détruit…
C'est un mouvement d'aller-retour, ça veut dire que la plupart des espaces sont anthropisés. Il n'y a plus d'espaces sans interventions humaines. Enfin, ils sont très rares. Dans cette même idée, il y a un bio-acousticien qui a fait des études pour essayer de rechercher des lieux dans lesquels il n'y aurait aucun bruits anthropisés, c'est-à-dire, aucun bruit de nos actions humaines. Résultat : c'est quasi impossible. Il y a toujours un avion dans le ciel, par exemple. Donc c'est rare de voir des espaces complètement vierges. De cette manière, l'homme façonne, mais en retour, les environnements nous façonnent. C'est ce qu'on appelle le "feed back".
On est constamment relancé et transformé par les interpénétrations qui existent avec nos environnements. Que ce soit les environnements de sons, de parfums. On est constamment en train de se régler vis-à-vis des différents systèmes, que ce soit des grands, des macros ou des microsystèmes agissant sur notre enveloppe corporelle. De cette manière, il y a nos humanités, mais elles ne sont finalement jamais seules. Je trouve qu'elles s'égarent quand elles oublient aussi les autres registres du vivant. Et là, il faut recomposer avec l'ensemble de ce tissu du vivant qui est aussi un principe assez vital. Il faut retrouver ces principes du vivant.
C'est que vous êtes familiers d'un exercice, d'une balade chorégraphique et musicale. Vous en avez réalisé une en 2019 dans les hauteurs de la Savoie. Cette fois-ci, c'est dans le cadre citadin. C'est encore une autre réalité, même si c'est au bord de l'eau, près du Rhin. Selon vous, un futur humain ou un futur pour l'humain est possible dans un cadre qui parfois est qualifié d'agressif en ville ?
Je pense que tout dépend de l'attention qu'on porte aux choses et du rythme qu'on prend. Il est vrai que finalement dans notre quotidien, on a un rythme assez cadencé dans lequel, justement, on ne ralentit peut-être pas assez. Dans lequel on ne voit plus, où, on ne s'attache pas à certains détails et à l'intérieur de ces zones, de ces intervalles. Alors que dans ces détails gisent des suspends, des arrêts, des poésies, des poésies urbaines. Voilà des moments délicieux.
Ça dépend aussi de notre panorama sensoriel : la manière dont on va regardé la ville. C'est justement le projet de cette balade : essayer de regarder la ville différemment, de voir là où elle est blessante, là où elle est coupante.. C'est vrai qu'elle est bruyante, qu'elle est polluante etc. Mais elle est aussi vivante. Elle est aussi dans ces entremêlement, une composition, une mosaïque, un puzzle d'émotions qui enrichissent nos sociabilités.
C'est aussi dans ce sens là qu'il faut aller chercher la ville. Celui de l'encouragement et de l'aménagement. Quand on parle de l'aménagement de la ville, par exemple, il y a l'aménagement, mais il y a aussi le ménagement si on enlève "a". Et le ménage, ça veut dire l'entretien : comment on soigne nos villes pour qu'elles ne soient pas aussi agressives que ce qu'elles peuvent être quand elles s'emballent.
Merci Franck Micheletti, "La balade anthropocène" avec vous et le géographe Michel Lussault, c'est ouvert à tous. Ce dimanche 14 avril à 15 h à l'arrêt du tram Port du Rhin.
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