Alors que la guerre en Ukraine est entrée dans sa 2ème année, les évêques belges ont condamné de nouveau l’agression russe et ont tenu à témoigner leur solidarité avec la population.
Ils étaient 4 dans cette délégation - Messeigneurs Lode Aerts, Johan Bonny, Lode Van Hecke et Jean Kockerols, respectivement évêques de Bruges, Anvers et Gand et évêque auxiliaire de Malines-Bruxelles - à entreprendre ce déplacement. Une visite pastorale d’une semaine qui les a menés à Kiev et sa grande banlieue, dans les villes d’Irpin et Boetsja, et à Lviv, dans l’ouest du pays.
Monseigneur Jean Kockerols, encore ému par ce déplacement, nous le raconte.
“J’étais déjà allé en Ukraine il y a exactement 10 ans, j’y avais visité Kiev et Lviv”. Malgré le contexte, Monseigneur Kockerols a été heureux de se retrouver en terrain connu et de revoir le maire de Lviv, l’archevêque gréco catholique de Lviv.
L’évêque auxiliaire de Malines-Bruxelles et ses collègues néerlandophones de la délégation, ont également rencontré le patriarche de l'Église orthodoxe ukrainienne et le patriarche de l'Église gréco-catholique. Ces derniers ont partagé leurs soucis, leurs préoccupations quant à la situation, mais également “leur conviction que l’Ukraine est dans son bon droit”.
L’Ukraine, pays envahi, pays en guerre, mais où la vie s’organise tant bien que mal, et même plutôt “remarquablement”, selon Monseigneur.
“Face aux privations imposées par la Russie - restrictions alimentaires, coupures d’électricité…- “les Ukrainiens ne se laissent pas abattre” - souligne-t’il, admiratif, “ils affichent une détermination et un courage” à toute épreuve.
Malgré l’angoisse et les tensions, la décontraction et un certain humour flegmatique ont aussi leur place.
En témoigne la réaction du patriarche à une alerte aérienne, pendant le petit déjeuner organisé avec la délégation “si nous entendons des explosions, alors nous descendrons dans la cave”.
La foi des Ukrainiens a t’elle vacillé?
“Non. Elle s’est au contraire renforcée”, assure Monseigneur Kockerols, “en tout cas, chez les personnes que nous avons rencontrées”.
L’évêque auxiliaire de Malines-Bruxelles et ses collègues de Gand, Anvers et Bruges, ont bien évidemment assisté aux célébrations.
Des messes qui ont eu une intensité différente pour Monseigneur, “mais aussi pour les Ukrainiens présents”, précise-t’il, “car les églises d’Ukraine ont très touchées par ce geste de solidarité, par le fait que 4 évêques - ce n’est pas rien pour un petit pays comme le nôtre, ça représente un tiers de la conférence épiscopale - aient pris une semaine pour venir à leur rencontre”.
L’occasion de faire ici, une précision importante : c’est une raison technique qui a orienté “la composition de cette délégation néerlandophone mais belge” explique Monseigneur. Les évêques francophones avaient une importante réunion cette semaine-là et il leur était absolument impossible de s’absenter. Jean Kockerols étant évêque auxiliaire, il a pu, lui, effectuer le déplacement.
Un déplacement utile, qui a touché les cœurs. Monseigneur a lui-même été très touché par les remerciements de la population.
“Parmi les choses les plus marquantes”, poursuit-il, “c’est de visiter les cimetières, de prier sur les tombes alignées par centaines - parmi elles, celle d’un belgo ukrainien - et de voir aussi, dans la paroisse militaire de l’église à Lviv - dans l’ouest du pays - les portraits de ceux qui sont tombés au combat, affichés par centaine. Des funérailles, le curé en a 2 à 3 par jour”, ajoute-t’il.
Si Monseigneur Kockerols sait trouver les mots, la majeure partie du temps, cela lui a été impossible face à une femme, qui venait de perdre son fils au combat, un jeune homme de 24 ans.
“Nous avons passé la soirée avec elle, pris un repas, c’est une femme marquée à vie, traumatisée, mais elle est debout, pleine de courage”.
Nous n’avons peut-être pas les mots, “mais la présence, ça compte”, souligne-t’il, en rappelant l’attitude de Marie au pied de la croix tel que l'évangile de Jean la décrit.
Et puis, même si les mots manquent, la présence est importante.
Face à la situation, “l’Eglise est présente, et même si elle a peu de choses à dire, sa présence dit beaucoup” insiste-t-il.
Il rappelle que lors de l’attaque surprise de la Russie le 24 février 2022, “tous les ambassadeurs ont quitté Kiev sur le champ sauf deux, l’ambassadeur de Pologne et le nonce apostolique, c'est-à-dire l’ambassadeur du Pape. Un homme remarquable de courage et de détermination, nous l’avons d’ailleurs rencontré à Kiev”.
Le courage des Ukrainiens, c’est de persévérer
Quelle est alors la définition du courage? Comme l’induit le Pape François dans son message, est-ce parfois de renoncer?
Si le Pape François dit “le monde est en guerre, trouvons le courage de faire demi-tour”, “c’est un appel du pied à l’égard du gouvernement russe”, assure Monseigneur Kockerols. “Moi, j’ai vu le courage de rester debout”.
Des Ukrainiens debout, et pas encore prêts à entendre l’appel de l’évêque anversois, Johan Bonny “tôt ou tard, il faudra parler de la paix”.
Monseigneur Kockerols le confirme “pour eux, c’est très difficile d’entendre parler de pourparlers. Les Ukrainiens aspirent à la paix, bien sûr, mais enfin, ils sont les agressés, dans cette guerre. Ils ne déposeront pas les armes en premier”. Et puis, poursuit-il “c’est un peuple fier, fier de son identité, soucieux de son indépendance et très conscient que l’agresseur est à Moscou”
Dans cette visite épiscopale, Monseigneur Kockerols a aussi vu des lueurs d’espoir, grâce aux nombreuses initiatives des communautés chrétiennes sur place, notamment dans cet orphelinat dont s’occupe l’église gréco catholique, et par l’accompagnement psychologique mis en place. On sait que “l’Eglise a longtemps été réticente à tout ce qui touche à ce domaine”, mais là, elle a engagé 11 psychologues, à plein temps”
L’évêque auxiliaire est très sensible au sort des réfugiés, ukrainiens bien sûr, mais d’où qu’ils viennent. Rappelons que l’an dernier, quand les premiers réfugiés ukrainiens étaient rassemblés dans le centre d’accueil temporaire devant l’ancien hôpital Jules Bordet (non loin du bâtiment du vicariat et de la radio), Monseigneur Kockerols avait organisé immédiatement une distribution de nourriture, mobilisant le personnel pour faire les courses, les tartines, pour passer un moment auprès d’eux.
Un geste à souligner, car son implication n’avait pas été médiatisée. Quand certains reprochent aux hommes d'Église - et parfois à juste titre - d’être déconnectés de la réalité, ce n’est décidément pas son cas. Il est d’ailleurs resté très lié à une famille ukrainienne qui compte 5 enfants, et qu’il a “logée non loin de chez lui, dans une maison qui était disponible”.
Décidément, Monseigneur Jean Kockerols ne supporte pas d’être hors du monde. Et c’est tant mieux.
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