« Un voyage en hiver » tel est le merveilleux programme auquel la Mairie de Nantes propose à ses habitants de participer. Un hiver sobre, sombre, où le choix est fait de supprimer guirlandes et illuminations, tout en dépensant un million d’euros dans des décorations pas fameuses et des lumières tamisées dont beaucoup disent qu’elles accroissent un sentiment d’insécurité dans certaines artères.
La technique est éprouvée : le silence et l’absence comme moyen d’éliminer une réalité qui agace ou qui dérange. En l’occurrence, la fête de Noël qui, manifestement irrite et fait craindre à certains qu’elle ne suscite un sentiment de discrimination. Alors on en supprime les images, on étouffe toute visibilité. Comme les staliniens faisaient disparaitre des photos officielles des dirigeants disgraciés, on efface les symboles en imaginant faire ainsi disparaitre la réalité.
Au Canada, certains sont allés plus loin : une commission des droits de l’homme a prétendu récemment que les jours fériés de Noël et de Pâques représentaient « un exemple évident » de discrimination religieuse systémique. Rien que ça ! Ils seraient gravement discriminatoires pour les non-chrétiens. Fort heureusement, à l’unanimité le Parlement canadien a dénoncé cette supercherie.
D’autres se chamaillent pour déterminer si les Mères Noël doivent désormais emballer et distribuer autant de cadeaux que leurs homologues masculins. C’est vrai quoi, pourquoi n’auraient-elles pas le droit de voyager en traineau ? On attend avec impatience les pétitions à venir d’amis spécistes demandant à ce qu’on supprime la représentation dégradante des rennes trainant un vieillard (ou une vieille) ventripotente chargé d’une hotte lourde de cadeaux. Mais alors par quoi remplacer ces animaux ? Par un moteur ? Mais avec quel carburant ? On le voit, les débats à venir promettent d’être passionnants.
Le voyage en hiver nantais ressemble à un voyage au bout de la nuit de l’intelligence. Si nous sommes devenus à ce point incapables collectivement de réfléchir l’avenir, n’est-ce pas parce que nous ne savons plus qui nous sommes ? Il est paradoxal que ceux-là même qui souvent prennent la tête des cortèges qui demandent à notre société d’être plus accueillante, plus ouverte, soit aussi souvent ceux qui voudraient faire disparaitre toute trace d’une culture qui forge et pétrit ce pays.
Car enfin, comment peut-on accueillir quiconque lorsque l’on ne sait plus soi-même qui l’on est, d’où l’on vient ? Tout en prenant l’immense risque de laisser cette question trouver réponse dans les relectures historiques et les réductions culturelles de ceux qui ne prospèrent que sur les peurs de leurs contemporains.
A Nantes, nous dit-on, ce sont les commerçants qui réagissent en illuminant d’autant plus leurs vitrines et galeries commerciales. Au Canada, ce sont donc les Parlementaires qui, d’un vote, ridiculise la motion présentée. Les uns rappellent que Noël est la fête qui rassemble, les autres qu’elle a participé à forger la société.
Mais qui évoquera que Noël est d’abord la manière dont Dieu veut remplir par sa présence les grottes sombres et froides de notre monde, de nos vies, en y laissant résonner la douce respiration d’un enfant, qu’accompagnent le souffle d’un âne et d’un bœuf et la joyeuse musique des cœurs battants qui s’y laissent accueillir.
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