LE POINT DE VUE DE MARIE-HÉLÈNE LAFAGE - Il y a un mois, Mayotte était frappée par le cyclone Shido. Cette catastrophe continue d’avoir des répercussions dévastatrices sur l'île. Les habitants peinent encore à se remettre de cette catastrophe, et une nouvelle tempête tropicale vient ravager le territoire. Le risque cyclonique a toujours existé dans la région, mais le changement climatique en exacerbe l’intensité. La vulnérabilité des populations est mise en lumière.
Le cyclone Chido, à Mayotte, a fait tristement irruption dans l’actualité en fin d’année 2024, et semble déjà presque lointain. Et pourtant, sur place, on se relève à peine de cette catastrophe majeure, alors qu’une tempête tropicale et des pluies torrentielles balaient l’île depuis quelques jours. Notre invitée du jour nous propose de revenir sur ce cyclone et ses conséquences, pour en tirer des enseignements du point de vue de l’adaptation face au changement climatique. Marie-Hélène Lafage, consultante et enseignante en politiques de transition écologique. Pouvez-vous d’abord nous rappeler en quoi ce cyclone est lié au changement climatique ?
Le risque cyclonique a toujours existé dans cette zone tropicale, mais avec le changement climatique, on sait qu’il est amplifié. Les cyclones se forment à certaines périodes de l’année, quand la température de l’eau est élevée et génère une forte évaporation, et la formation massive de nuages. On comprend bien qu’avec le changement climatique, ce phénomène se renforce avec la montée des températures. Les cyclones ne sont pas forcément plus nombreux, mais il y a une probabilité plus forte qu’ils soient plus venteux et davantage pluvieux. Ainsi, à Mayotte, le cyclone a été d’une extrême violence, avec des vents à 220 km/h. Les projections du Giec indiquent qu’avec 1,5 °C de réchauffement global, la proportion de cyclones tropicaux intenses pourrait augmenter de 10 %, et de 20 % si le réchauffement atteint 4 °C. Par ailleurs, les territoires d’Outre-mer sont fortement exposés à diverses conséquences du changement climatique : le recul du littoral avec la montée du niveau marin, l’augmentation du risque de vague submersion, le manque d’eau, etc.
C’est là que l’on ne peut pas se contenter de dire « c’est le changement climatique », comme on dirait « c’est la faute à pas de chance ! ». Mayotte est le département le plus pauvre de France. Il faut avoir conscience qu’une personne sur trois réside dans une habitation précaire en tôle. On imagine bien que l’accès à l’information et aux alertes, que l’accès à un abri est très inégalitaire. Le territoire était déjà concerné par des pénuries d’eau à répétition. Certains équipements publics, notamment en matière de santé, étaient déjà fragiles. Enfin, Mayotte est une île, dépendante de l’arrivée de secours extérieurs, depuis l’Europe notamment, ce qui prend du temps. Ainsi, la catastrophe liée au cyclone Chido nous rappelle à quel point l’impact des aléas climatiques dépend in fine du terrain sur lequel ils interviennent, de la capacité des populations et des sociétés à y faire face.
Nous ne sommes pas à égalité face au changement climatique, qui impactera fortement les populations les plus pauvres. Dès lors, s’adapter ce n’est pas seulement anticiper les événements météorologiques extrêmes, les fortes pluies, les inondations, les sécheresses, les canicules : c’est s’y préparer très concrètement. C’est mettre en place des mécanismes de solidarité. C’est aborder la question des responsabilités politiques. La responsabilité de la France est bel et bien engagée dans le bilan à Mayotte, lorsqu’on sait qu’un rapport de l’inspection générale de plusieurs ministères dénonçait en 2023 « une faillite généralisée des administrations publiques ». L’adaptation est une question sociale et politique. Alors comment nous préparons-nous aujourd’hui, comment transformons-nous la société française pour faire face, demain, à des phénomènes climatiques attendus ? Mayotte n’est pas un département lointain d’Outre-mer mais un miroir que l’on nous tend, une alerte pour l’ensemble de la société.
Des chroniqueurs d'horizons variés nous livrent leur regard sur l'actualité chaque matin à 7h20, dans la matinale.
- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
- Le mardi : Corinne Bitaud, agronome et théologienne protestante, et Marie-Hélène Lafage, consultante en transition écologique auprès des collectivités territoriales ;
- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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