Ça y est, cette fois c’est la bonne ! Le futur projet de loi immigration, maintes fois annoncé, autant de fois repoussé, devrait enfin être débattu. Le texte pourrait être présenté au Parlement début novembre, probablement au Sénat, d’abord, avant d’être soumis à l’Assemblée.
Les débats s'annoncent tendus. Le sujet divise, et la majorité présidentielle, qui n’a pas la majorité absolue à l’Assemblée, va avoir bien du mal à faire voter son projet de loi sans passer à nouveau par un 49.3. Pour mettre tout le monde d’accord, le gouvernement mise sur la fameuse technique du "en même temps", qui consiste à faire marcher la réforme sur deux jambes : une de gauche, qui consiste à proposer la régularisation de travailleurs sans papiers qui occupent des emplois dans des filières dites "en tension", et une de droite, qui consiste à faciliter l’expulsion des étrangers délinquants. Un volet pour avoir les votes de gauche, un volet pour avoir les votes de droite, et hop : emballé, c’est pesé !
La méthode ne fonctionne plus, elle divise. Les Républicains ont annoncé la couleur : jamais, au grand jamais, ils n’accepteront de voter un texte proposant de régulariser des sans-papiers. C’est leur ligne rouge, et ils appellent à la tenue d’un référendum pour empêcher le gouvernement de la franchir. Coincé, ce dernier s’est demandé s’il n’avait pas intérêt à amputer son texte de cette fameuse “jambe gauche” qui révulse la droite, ce qui a eu le don de braquer une partie de sa propre majorité, prête à s’abstenir, voir voter contre un projet qui ne viserait plus qu’à renforcer les expulsions de clandestins.
La gauche de la Macronie, ou ce qu’il en reste, a mis un petit coup de pression sur la droite, ce mardi, par le truchement d’une tribune publiée dans le journal Libération. Cosignée par une trentaine de parlementaires Renaissance, Modem, Socialistes, Communistes et Verts, elle plaide en faveur de la régularisation, en dénonçant “l’hypocrisie collective” qui consiste à prétendre que nous pourrions reconduire tous les clandestins à la frontière alors que des pans entiers de notre économie dépendent du travail des sans-papiers.
La plupart de nos voisins ont le même problème, et certains – comme l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, ou même la Hongrie - ont entrepris d’assouplir leurs conditions d’attribution de titres de séjours pour trouver les bras qui leur manquent.
On pourrait essayer autre chose que les chamailleries politiciennes à visées électoralistes
La France aurait tout intérêt à faire de même. Elle le pourrait, à condition de ne pas s’enfermer dans des débats stériles, biaisés par des considérations purement politiciennes. Ce n’est malheureusement le cas chez nous, où notre incapacité à regarder en face les questions d’immigration, nous condamne à légiférer sans cesse. Plus de 20 lois ont sur le sujet ont été adoptées depuis les années 1980. Pour avancer vraiment, on pourrait essayer autre chose que les chamailleries politiciennes à visées électoralistes. Organiser un vrai débat de société, par exemple. Thierry Beaudet, le président du Conseil économique, social et environnemental, le Cese, le suggère depuis des mois, en plaidant pour la tenue d’une convention citoyenne sur l’immigration.
Dans une lettre adressée en début de semaine au Président de la République, il prévient : un référendum sur les questions d’immigration serait “contreproductif”, la démarche risquant “d’enflammer les consciences” plutôt que de rassembler les Français. Cet avis me semble plein de bon sens, mais qui l’écoute ? A ce stade, la tribune des parlementaires publiée dans Libé fait bien plus parler d’elle que la lettre du président du Cese. Et si vous voulez mon avis, Pierre-Hugues, c’est bien dommage…
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