Elisabeth Walbaum | Le printemps des poètes

J’ai envie de vous raconter l’histoire de l’ABEJ, une histoire courageuse, belle comme un poème, compliquée comme un alexandrin, insolite comme un vers surréaliste et volcanique, comme la thématique 2025 du printemps des poètes ! 

L'ABEJ 

L’ABEJ, une association, fondée il y a 40 ans à Lille, par une poignée de chrétiens baptistes, engagés. Ils se sont dit, à cette époque-là, qu’ils voulaient « éradiquer le sans abrisme de la métropole ». Une initiative belle, compliquée, insolite, volcanique aussi ! D’abord, ils ont récupéré un bus à double étage, face à la gare. C’est Rolande, une des fondatrices, qui me raconte ça. Modeste, un peu espiègle, s’excusant presque, « on a pas réussi finalement ! » Pas réussi ? Aujourd’hui, l’ABEJ c’est  plus de 400 salariés, 200 bénévoles, des centaines de personnes accueillies chaque année sur toute la métropole.

Les missions de l'ABEJ 

Proposer un accompagnement global, prendre soin de l’intégralité de la personne, l’aider à lutter contre tout ce qui fait obstacle à sa dignité. Une mission noble et ambitieuse, à l’heure ou nos politiques publiques essayent surtout de mettre des pansements sur les maux. A l’ABEJ, on sait qu’une personne à la rue a besoin d’un toit, mais aussi d’être en bonne santé, de s’alimenter correctement, de pouvoir faire ses démarches administratives, de trouver un emploi. A l’ABEJ, on parle de juste proximité plutôt que de bonne distance avec les personnes accueillies, on parle aussi de la « foi professionnelle » des salariés de l’association, nécessaire pour accompagner le plus justement possible. Pour éviter que la personne ne se sente en situation de faiblesse et d’infériorité. 

La défense des principes évangéliques 

C’est exactement ça. Et explicitement affirmé par l’association : c’est fort de considérer toute personne comme ayant une valeur inestimable ! En ce printemps des poètes, j’avais envie de partager avec vous une initiative d’un des centres d’hébergement et de réinsertion sociale de l’ABEJ qui a proposé un atelier d’écriture à ses résidents. De cet atelier, sont nés des textes bouleversants et un recueil, « Poésie du bitume ». Je vais vous donner à entendre celui de Christine S, et là encore vous allez voir, c’est beau, compliqué, insolite, et volcanique ! 

« Me voilà, je suis là et je dis me voilà, pleine de peine et de colère

Me voilà, mais qui me voit ?

Je dis me voilà, mais qui entend ?

Et ma colère, qui pour l’accueillir ?

Et ma peine, qui pour la consoler ?

Autour de moi, vous allez et venez.

Nul ne s’arrête.

Personne pour écouter ma peine et ma colère !

Alors je continuerai à crier : me voilà !

Me voilà, jusqu’à ce que vos yeux entendent !

Me voilà, jusqu’à ce que vos oreilles voient !

Me voilà, jusqu’à ce que vos cœurs écoutent !

Me voilà, pleine de peine et de colère.

Pleine d’espoir et de désir. »