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Faire peser le poids de la transition sur les plus aisés pour sortir du rejet de l'écologie, par Alexandre Poidatz

Un article rédigé par Anne Kerléo - RCF, le 9 avril 2024 - Modifié le 9 avril 2024
Tout est liéFaire peser le poids de la transition sur les plus aisés

Pour faire face au dérèglement climatique et baisser nos émissions de gaz à effet de serre, il faut accepter que certains devront faire plus d’efforts que d’autres. Sinon on continue de culpabiliser la majorité de la population et en particulier les plus précaires. C'est le point de vue d'Alexandre Poidatz, chroniqueur RCF, membre du collectif Lutte et contemplation. 

Alexandre Poidatz - Profil Linkedin Alexandre Poidatz - Profil Linkedin

Deux amis sont attablés à un bar. Le premier demande : "C’est quoi le mal de notre époque : l’ignorance ou l’indifférence ?" L’autre lui répond : "Je ne sais pas et je m’en fous".

La bonne nouvelle : nous n'ignorons plus l'urgence climatique 

La bonne nouvelle est que nous n’ignorons plus l’urgence climatique. C’est difficile de passer à côté. Les médias s’en emparent de plus en plus, les cursus universitaires multiplient les enseignements dédiés, les formations comme la Fresque du Climat foisonnent… Certes, pas assez vite et parfois avec du greenwashing, mais il y a de quoi se réjouir. Ainsi, la très grande majorité des Français, plus de 80%, savent que le réchauffement est bien causé par l’activité humaine.

La mauvaise : nous agissons comme si nous ignorions l'urgence climatique

Mais il y a un paradoxe. La prise de conscience n’est que théorique, car en pratique rien ne change. On consomme davantage. Et le pouvoir d’achat reste la priorité face à l’urgence climatique, qui arrive en deuxième. Donc les personnes ne sont plus ignorantes des effets du réchauffement climatique, mais elles ne changent pas leur attitude pour autant, et donc restent indifférentes.

Comment dépasser l'indifférence face à l'urgence climatique ?

La première piste serait psychologique et individuelle. Les personnes n’entrent pas par la bonne porte de la transition écologique. Il y en a qui vont se mettre en mouvement par la raison face au constat scientifique (e.g. la porte Jancovici), d’autre par le cœur face aux injustices (e.g. la porte Greta) et d’autres encore par l’âme face à la destruction de la nature qui revient à détruire la Création (e.g. la porte Pape François).

je ne crois pas à la seule explication psychologique individuelle pour expliquer l’indifférence

Peut-être que ne pas prendre la bonne porte mène à l’indifférence. Mais je ne crois pas à la seule explication psychologique individuelle pour expliquer l’indifférence. Je crois avant tout à une raison collective, politique. Je m’explique : utiliser les sciences naturelles pour expliquer la crise climatique est une première étape nécessaire. Elle permet de lutter contre l’ignorance. Mais si on dit à chaque citoyen qu’il doit réduire son empreinte carbone sans distinction, alors on créé quelque chose de pire.

Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, certains doivent faire plus d'efforts que d'autres

Qu’est-ce qui est pire que l’indifférence ?  Le rejet de l’écologie. Si l’on tient chacun pour responsable de la même manière, cela ne créé pas seulement de l’indifférence chez les plus précaires, cela crée du rejet. On l’a vu avec les gilets jaunes.

On ne peut pas rester "neutre" face à la réduction des émissions. Il faut accepter que certains devront faire plus d’efforts que d’autres. Sinon on continue de culpabiliser la majorité de la population et en particulier les plus précaires. C’est par exemple le cas du Gouvernement qui fait des campagnes pour inciter tous les citoyens à réduire leur chauffage, alors que six millions de Français sont en précarité énergétique.

Faire peser le poids de la transition sur les plus aisés pour sortir du rejet de l'écologie

Il est possible de responsabiliser, en déculpabilisant la très grande majorité. Il est possible de faire peser le poids de la transition sur les plus aisés. Il est possible de parler du climat sans avoir l’impression d’enlever à celles et ceux qui ont le moins. Le mal de notre époque ne serait pas seulement de continuer à faire face à l’indifférence de la crise climatique, ce serait de poursuivre à nourrir le rejet de l’écologie.
 

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