Des statues du général de Gaulle vandalisées en France. Celles de Churchill taguées à Londres et à Prague. Pourquoi ? Parce qu’ils auraient été racistes. Celle de Léopold II incendiée en Belgique, du fait de sa politique coloniale. Sans parler de Christophe Colomb aux États-Unis. En France, Colbert est sur la sellette, et même Victor Schoelcher qui rédigea pourtant en 1848 le décret abolissant l’esclavage, mais à qui l’on reproche d’avoir collaboré avec un pouvoir colonial. Et puisque le ridicule ne tue pas, la plaque indiquant Penny Lane, la rue qui a donné son nom à la mythique chanson des Beatles a été taguée à Liverpool parce qu’elle évoquerait le marchand d’esclave James Penny.
On peut distinguer dans cette triste litanie deux cas de figure. D’abord ceux qui se font taxer de racisme par des démagogues sans culture ni éthique : Churchill et de Gaulle ont incarné la résistance politique au nazisme et le procès qui leur est fait est grotesque. De même pour le malheureux Schoelcher ou pour McCartney qui se trouve pris dans une histoire abracadabrante. Ensuite ceux pour lesquels, on peut à jute titre s’interroger. Prenons Colbert. Même s’il ne fut pas de fait l’inventeur du Code noir, il en fut le penseur. Que l’esclavage ait été maintenu dans les colonies nous choque à juste titre. Mais peut-on reprocher au passé de ne pas avoir agi avec nos critères, au point de vouloir le rayer de notre mémoire nationale ?
Car la question est bien là. Elle est celle du statut de l’histoire qui n’est ni un jugement ni un plaidoyer, mais une tentative de comprendre d’où nous venons. Avec si possible un angle de vue large. Peut-on oublier que l’esclavage est une pratique ancestrale en Afrique du Nord ou en Afrique noire ? Et que de nos jours, la prostitution ou la fabrication dans les pays pauvres de produits destinés à notre consommation sont des formes modernes d’esclavage ?
Au lieu de déboulonner les statues de personnages historiques, nos indignés feraient mieux de mettre leur énergie à défendre les opprimés d’aujourd’hui quelle que soit leur origine ethnique. En s’attaquant à des figures de notre histoire comme Colbert, symbolisant le service de l’État, ou De Gaulle l’indépendance nationale, ces agitateurs d’opérette poussent à son extrême absurdité une logique où la France n’est plus qu’un tissu déchiré de communautarismes absolutisés, niant ce que nous avons en commun : une histoire dont les grandeurs et les misères doivent être analysées aujourd’hui avec sérieux et sans démagogie pour qu’un futur soit possible ensemble.
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