LE POINT DE VUE DE CLOTILDE BROSSOLLET - Hier après-midi, François Bayrou, a fait sa déclaration de politique générale devant les députés, tandis qu’au même moment Elisabeth Borne, sa ministre de l’Éducation nationale en lisait le texte devant les sénateurs. Ce matin, Clotilde Brossollet, revient sur cette déclaration et en particulier sur une grande absente du discours : la loi sur la fin de vie.
La déclaration qu’a tenue le nouveau Premier Ministre faisait suite à plusieurs semaines de tractations avec les partis politique afin que le gouvernement échappe le plus longtemps possible à l’épée de Damoclès d’une motion de censure. Cette déclaration était donc attendue car elle avait pour effet de révéler le rapport de force parlementaire sur lequel le gouvernement allait s’appuyer ; mais elle était aussi attendue car, pour contenter au maximum, le Premier Ministre ne pouvait pas faire de grandes annonces. Comme prévu, François Bayrou nous a offert un numéro d’équilibriste particulièrement réussi. Il nous a brossé le portrait d’une France qui a besoin de se ressaisir, de se réconcilier et de se refonder, un portrait avec lequel il était difficile de ne pas être d’accord. En s’inscrivant dans la tradition des déclarations de politique générale qui donnent les grandes orientations sans en préciser les mesures, François Bayrou a montré tout son talent pour ne fâcher personne mais en prenant le risque de ne pas contenter grand monde.
Après celle de Michel Barnier qui avait été plus ferme et précise, François Bayrou a préféré jouer la carte de la recherche du consensus. Mais à qui s’adressent les déclarations de politique générale ? Pas aux citoyens qui n’ont pas le temps et se contentent de regarder les résumés faits les commentateurs. Elles sont destinées aux parlementaires et le contexte politique actuel en fait de véritables outils pour consolider une majorité fragile et amadouer une opposition féroce. Là, l’objectif semble rempli car la probabilité que la motion de censure de jeudi puisse aboutir à la chute du gouvernement. Je dois reconnaître aussi que François Bayrou n’a pas manqué de franchise et donc de courage quand il a évoqué les déficits publics. Au-delà de la dimension technique de l’approche financière, il a rappelé la dimension morale de cette question en rappelant qu’un pays qui emprunte pour financer ses dépenses courantes hypothèque gravement l’avenir de ses enfants.
Elle aurait pu si elle n’avait pas comporté une grande absente. Sujet devenu incontournable de tous les premiers ministres depuis la réélection d’Emmanuel Macron, promesse qui rassemble une très grande majorité des députés, la fin de vie a été l’arlésienne de la déclaration. L’observateur attentif n’en trouvera aucune trace sur la partie qui concernait la santé. Pour être tout à fait juste, la question de la fin de vie a bien été citée… mais c’était dans le volet sur la réconciliation avec la revalorisation du pluralisme et du rôle du Parlement : « Cette capacité d’action de l’État passe par une coopération entre les pouvoirs. Le Parlement a de ce point de vue des prérogatives qui doivent être pleinement respectées. Je pense en particulier à son pouvoir d’initiative qu’il ne manquera pas d’exercer sur des sujets importants dans notre société, comme la fin de vie. » Voici donc que François Bayrou, juste après avoir cité Marc Sangnier, un des fondateurs de la démocratie chrétienne, s’aligne sur les déclarations du Président de la République, et permet au débat sur la légalisation de l’aide active à mourir de revenir par la petite porte. Tandis que le Premier Ministre, l’après-midi, renvoyait la balle aux députés, la Présidente de l’Assemblée nationale, elle, le matin, lors de ses vœux aux parlementaires, demandait au gouvernement que le texte sur la fin de vie soit examiné à partir de début février. Puisque le Parlement le réclame, le Premier Ministre ne pourra pas le lui refuser, le débat aura donc bien lieu. François Bayrou est contre toute aide active à mourir et ne s’en est jamais caché : « La voie à laquelle je suis le plus sensible, c’est la défense du caractère précieux de la vie jusqu’au seuil où elle s’en va. » avait-il affirmé dans les colonnes du Figaro en mai 2023, en précisant « Ne faisons pas un service public pour donner la mort ! » Au nom du pluralisme, l’homme est prêt à renier ses convictions profondes, avec la bonne conscience et les mains propres de celui qui n’aura pas fait mais aura laissé faire.
Si l’inspiration de François Bayrou est la démocratie chrétienne, là elle pencherait plutôt du côté de Pilate.
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- Le lundi : Stéphane Vernay, directeur de la rédaction de Ouest-France à Paris, et Arnaud Benedetti, rédacteur en chef de La revue politique et parlementaire ;
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- Le mercredi : Clotilde Brossollet, éditrice, et Pierre Durieux, essayiste ;
- Le jeudi : Antoine-Marie Izoard, directeur de la rédaction de Famille chrétienne ; Aymeric Christensen, directeur de la rédaction de La Vie ;
- Le vendredi : Blanche Streb, essayiste, chroniqueuse, docteur en pharmacie, auteure de "Grâce à l’émerveillement" (éd. Salvator, 2023), "Éclats de vie" (éd. Emmanuel, 2019) et "Bébés sur mesure - Le monde des meilleurs" (éd. Artège, 2018), et Elisabeth Walbaum, Déléguée à la vie spirituelle à la Fédération de l'Entraide Protestante.
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