Journaliste et historien, François-Guillaume Lorrain a enquêté sur ces héros trop méconnus de la Seconde Guerre mondiale. Présent au salon du livre du Mans début octobre, il détaille cette aventure humaine au micro de RCF Sarthe.
L'auteur décrit la naissance du livre comme "mystérieuse". D'aucuns la jugeraient anodine sans que ce soit antinomique. Un jour de novembre 2022, Marie Bordet, journaliste au Point, soumet le nom de son collègue, François-Guillaume Lorrain, pour assister à une cérémonie à la mairie du VIIème arrondissement de Paris. Mathilde Gauthier reçoit ce jour d'automne à titre posthume celui de Juste parmi les Nations pour avoir aidé la famille Herszbaum durant la Seconde guerre mondiale. Cette distinction, la plus haute décernée par Israël pour un civil, reconnaît ceux qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs pendant la Shoah. Porté par l'intuition qu'il n'aurait "rien de mieux à faire ce jour-là", l'historien accepte. Il apprend également que trois jours après qu'une Sarthoise sera décorée à Beaufay, elle aussi à titre posthume, pour avoir aidé la même famille. Comme il l'explique, l'enquête s'impose à ce moment-là.
Cette "chaîne de solidarité" qui se forge durant l'Occupation, François-Guillaume Lorrain la décrit à travers une quinzaine de parcours qui ont souvent comme dénominateur le hasard, dont la portée est "la grande découverte de ce livre" et de détailler : "Cela peut être quelqu'un, un voisin, que vous croisez au bon moment ou qui vous donne la bonne parole. Cela peut être une nourrice dans le Morvan qui voit arriver quatre enfants qu'elle a connu avant Guerre ".
À ce sujet, l'historien estime que ce n'est pas une coïncidence si les départements français qui comptent le plus de Justes se trouvent en périphérie du grand bassin parisien, comme le Loiret, l'Yonne ou la Sarthe (Ndlr : 86 sur les 4300 en France). En effet, ces régions deviennent presque naturellement des bases de repli comme ce fut le cas pour les frères Herszbaum, que leur mère encourage au moment fatidique à trouver Léontine Bracchi, couturière du village de Beaufay où la famille se cache. François-Guillaume Lorrain nous en dit plus...
Spécialiste des questions mémorielles, l'historien nous rappelle que si on a surtout retenu du discours de Jacques Chirac au Vel d'Hiv en juillet 1995 la reconnaissance du rôle de l'État français dans la déportation des Juifs sous Vichy, on oublie trop souvent que le président de la République cite aussi le rôle des Justes.
Or, par l'anonymat intrinsèque à leur action, "les Justes n’avaient pas pour destin d’entrer dans le récit historique ni de faire date. Prétendre qu’on les a oubliés serait inexact, ils se sont eux-mêmes fait oublier." Il ne faut pas perdre de vue que les survivants de la Shoah appelés à témoigner durant des décennies étaient adultes durant la Guerre et les drames qu'ils relataient étaient donc ceux d'adultes. Or, l'auteur démontre que le sauvetage des enfants est étroitement lié au rôle des Justes. Le cas de la Sarthoise Léontine Bracchi s'érige comme un des multiples exemples. Ce sont ces jeunes rescapés de la Shoah aujourd'hui peu nombreux et âgés, ainsi que les enfants et petits-enfants de Justes que François-Guillaume Lorrain est allé rencontrer. Or, ils sont de moins en moins nombreux.
Quelle est la leçon à retenir ? Pour le journaliste du Point, "le politique a toujours utilisé l'histoire. Mais au moins, là on utilise une bonne face de l'histoire" et de conclure que "ce sont des valeurs d'entraide, d'antiracisme et d'antisémitisme qui sont mises en avant avec des personnes qui ont pris la bonne décision dans le pire des contextes. On l'a vu avec les attentats, l'histoire commence parfois à l'angle de la rue et nous concerne tous."
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