En moins d’un mois, le discours gouvernemental s’est retourné. La peur d’une seconde vague est venue le teinter d’injonctions fortes, et d’une sémantique culpabilisatrice. On ferme les bars dans les grandes villes à partir de 22h, heure à laquelle, sans aucun doute, le virus sort de sa tanière. Sans aucune adaptation à la réalité, le masque est obligatoire partout dans les grandes métropoles. Quant aux grands-parents, on leur a préconisé sans rire de ne plus aller chercher leurs petits-enfants à l’école, pour les protéger ! Mais ignore-t-on la part essentielle qu’ils ont dans l’économie invisible et la transmission ?
Je n’ai pas la compétence scientifique pour me prononcer sur la réalité de cette seconde vague. Certains chiffres sont effectivement inquiétants. Mais leur interprétation est très contrastée dans la communauté scientifique. Je comprends que l’on craigne un engorgement des hôpitaux et une mise en danger des soignants. Mais qu’a fait le gouvernement depuis mars en faveur de l’hôpital pour augmenter nos capacités en réanimation ? Rien. Faut-il pour compenser cette incurie, pénaliser et infantiliser toute une population ?
Cette crise nous dit que les préoccupations matérielles contradictoires de l’économie et de la santé constituent le seul horizon de nos politiques, et hélas, il faut le dire, de bien de nos concitoyens. La question politique des libertés publiques est totalement escamotée. Aucun débat national n’a été sérieusement mené sur le sujet. Quant aux valeurs immatérielles de notre société, la responsabilité de chacun de prendre des risques raisonnables (pour soi, pas pour les autres, bien sûr), le rôle des anciens dans la transmission, le refus de parquer les résidents des EHPAD comme des prisonniers, l’importance d’être en face de l’autre à visage découvert, notamment quand on enseigne, tout cela est complètement mis de côté.
Pour reprendre le titre d’un excellent texte d’Olivier Rey, dans la collection « Tract », chez Gallimard, c’est la tentation de l’idolâtrie de la vie. Une vie réduite à son horizon matériel, quantitatif, dénuée de toute aspiration spirituelle, au sens large du mot. Où la liberté, la convivialité, les marques d’affection, la responsabilité individuelle sont devenues des valeurs suspectes. Voulons-nous de cette vie-là ? Acceptons-nous qu’elle nous soit imposée sans débat ?
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