Beaucoup a été dit sur les révélations et les conclusions de la CIASE, ces chiffres terribles, ces manquements systémiques, ces témoignages de victimes. Pourtant il m’a semblé essentiel de revenir sur deux questions qui fâchent.
Que s’est-il passé dans notre pays pour qu’il faille le travail titanesque d’une commission indépendante pour découvrir l’amplitude d’un tel séisme ? Qu’a fait la presse pendant toutes ces années ? Pourquoi les médias n’ont-ils pas enquêté à la mesure des révélations du rapport Sauvé, comme ce fut le cas aux Etats-Unis ?
C’est une question embarrassante pour notre profession. Et qui la renvoie aujourd’hui à ses responsabilités: ne pas laisser tomber les victimes, continuer d’interroger la hiérarchie pour entendre ce qu’elle compte faire, montrer ce qu’ont produit d’autres rapports du même type en Irlande, en Allemagne, en Australie...
Vous savez comme moi à quel point une information chasse l’autre et combien dans le cas présent le temps n’arrangera rien. Le séisme qui secoue l’Eglise catholique n’en est qu'à ses premières secousses. Et il rejaillit sur l’ensemble des chrétiens. Quand des dysfonctionnements profonds apparaissent dans une famille, tous ses membres sont touchés. L’Eglise catholique a besoin d’une révolution si elle veut sortir grandie et plus évangélique de ce chaos. Et c’est là ma seconde question : acceptera-t-elle de demander de l’aide à ses frères et sœurs chrétiens ?
Car il existe d’autres modèles de faire Eglise. Pourquoi ne pas aller les regarder de plus près, profiter des expériences réussies, ou moins convaincantes, des autres ? Pourquoi ne pas s’intéresser à l’autorité partagée, au sacerdoce universel, au fait que le culte du secret n’est pas inscrit dans la Bible ?
L'Eglise pourrait profondément reconnaître ses limites et demander de l’aide. La Conférence des évêques de France a eu le très grand courage de solliciter une commission indépendante, présidée par un homme impressionnant de sagesse et de lucidité, pour faire un diagnostic. Il est maintenant posé. Est arrivé le temps de la digestion tant le malade est atteint, le temps du silence aussi réclamé par les victimes qui ont besoin qu’on accueille leurs souffrances.
Mais après ? La déclaration d’Eric de Moulins-Beaufort hier, à la sortie de son entretien avec Gérald Darmanin, va vraiment dans le bon sens. Mais quand ils se réuniront début novembre en assemblée plénière, les évêques vont-ils décider continuer à faire appel à des personnalités extérieures pour implanter de vraies et grandes réformes structurelles ? Qui va venir de l’extérieur apporter un regard neuf et décapant ?
L’Evangile nous parle de ce Samaritain venu d’ailleurs qui s’arrête pour prendre soin du malade. C’est pourquoi je ne crois pas qu’une démission collective des évêques soit en elle-même porteuse de fruits, au-delà de son aspect médiatique retentissant. En revanche, je crois qu’il est temps pour eux de sortir de l’entre soi et de laisser un vent vivifiant souffler… L’appel à toujours se réformer, donc se convertir, n’est pas un effet de mode, il est au cœur du message évangélique.
Nathalie Leenhardt est journaliste, ancienne rédactrice en chef du magazine Réforme. Chaque semaine, écoutez son édito dans La Matinale RCF.
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