"Quel sens y a-t-il à travailler pour une entreprise qui détruit nos conditions de vie sur Terre ?" C'est la question que pose Alexandre Poidatz, co-fondateur du collectif "Lutte et contemplation". Il invite chacun.e à s'interroger, mais pour lui, la question doit être portée collectivement. Et il ne s'agit pas de culpabiliser celles et ceux pour qui les barrières sont trop nombreuses pour que ce changement soit possible, notamment les personnes en situation de précarité.
Travailler pour une entreprise polluante augmente-t-il l’empreinte carbone des salariés de cette entreprise ? Cela me semble une question légitime. Quand on pense à l’empreinte importante de certaines industries polluantes, qui est responsable de ses émissions de CO2 : les actionnaires, les consommateurs, le PDG ? Rarement on interroge les travailleurs de l’entreprise. Malheureusement ce calcul semble très difficile.
Et pourtant les salariés portent bien une responsabilité lorsqu’ils travaillent pour une entreprise dont l’objectif principal est la rentabilité de court-terme au détriment des conditions de vies humaines ou naturelles sur Terre. Mais quelle est leur part de responsabilité ? Elle n’est pas la même pour tous les travailleurs d’une entreprise. Il est évident qu’un haut cadre, issu de grande école, en situation financière confortable porte plus de responsabilité qu’une mère de famille en situation de monoparentalité, en précarité, qui serait caissière dans une station essence. Pourquoi ? Simplement car, lui, il a le choix !
Il ne faut donc pas culpabiliser les personnes qui font face à des barrières pour transitionner d’emplois. Elles sont nombreuses, elles peuvent être matérielles, lorsqu’on est en situation de précarité par exemple. C’est exactement la même chose que les écogestes, c’est contre-productif d’imposer le changement si la personne n’en a pas les moyens.
Alors que faut-il faire lorsqu’on a le choix de changer de travail ? Changer et témoigner ! C’est ce qu’a fait Yann Woodcock il y a 2 semaines. Ce pilote de ligne pour la compagnie Swiss depuis 2011, a démissionné. Il a d’une certaine façon réduit son empreinte carbone. Il témoigne ne plus vouloir "être partie prenante d'une industrie contribuant de manière significative au problème". Et il rappelle que "(sa) décision ne doit pas être interprétée comme un appel à la responsabilité individuelle" car "la lutte contre la catastrophe climatique sera collective ou ne sera pas".
beaucoup de personnes sont étouffées par une crise spirituelle. Quel sens y a-t-il à travailler pour une entreprise qui détruit nos conditions de vie sur Terre ?
Cela signifie que nous devons collectivement réinterroger à quoi nous souhaitons travailler. Un des chemins nécessaires de la transition, c’est le travail ! C’est 70 000 heures dans une vie. C’est notre œuvre, c’est ce qu’on est censé faire pour la société. Or beaucoup de personnes sont étouffées par une crise spirituelle. Quel sens y a-t-il à travailler pour une entreprise qui détruit nos conditions de vie sur Terre ? D’ailleurs, c’est en partie ce qui explique le phénomène de "grande démission" après le Covid. Nous devons tendre vers le travail qui rend fier et qui produise des choses dont a réellement besoin, sans détruire nos capacités d’existence.
Et quand je pense à toutes les personnes qui bifurquent, ou mieux, qui dès le début de leur parcours professionnel ont voulu mettre en conformité leurs convictions écologiques et sociales avec leur travail, j’ai beaucoup de gratitude. Les personnes dans l’économie sociale et solidaire façonnent le monde de demain. Elles créent des utopies réalistes dès aujourd’hui. Elles témoignent du monde d’après. Et je leur dis merci.
Jeunes de la "génération climat", Alexandre Poidatz et Stacy Algrain livrent en alternance, chaque semaine, leur regard sur l'écologie et leurs clés pour changer le monde.
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