De la peur de grossir au rejet des gros. La grossophobie, et son lot de regards désobligeants, insultes et discriminations, est l'un des effets pervers du culte de la minceur.
En France on estime que les personnes obèses seraient un peu moins de 10 millions. Les avez-vous vues? Parce que beaucoup se cachent, préférant vivre isolées que subir l'opprobre. Les personnes grosses sont aujourd'hui en France victime de rejet. Dans la rue, au travail, chez le médecins... ce sont sans cesse des remarques voire des insultes. Les personnes en surpoids pâtissent à la fois du culte de la minceur et de la haine de tout ce qui est différent. Ce que Gabrielle Deydier dénonce dans un livre coup de poing, 'On ne naît pas grosse' (éd. Goutte d'Or).
'On confond santé et beauté'
C'est paradoxal, mais c'est le diktat de la minceur qui est à l'origine de tant de prises de poids. Selon une étude récente (12 juin 2017), de revue américaine New England Journal of Medicine, l'obésite concerne 30% de la population mondiale. 'On fabrique de l'obésité avec les régimes', explique la psychanalyste Catherine Grangeard. Pour elle, 'à vouloir correspondre à un modèle' qui n'est pas forcément le nôtre, 'on confond santé et beauté'. Et nombre de régimes se soldent par une prise de poids.
Chaque printemps c'est le marronier qui refleurit: pas un bourrelet ne doit dépasser du bikini. Quand l'injonction minceur ne passe pas par... l'investissement financier. D'ailleurs, on a beau savoir que les mannequins sur les podiums sont souvent maladivement maigres, rien n'y fait: il est toujours mieux vu d'être trop mince que trop gros. Comme une injonction morale à se maîtriser.
'Les gens se permettent de faire des réflexions régulièrement, au quotidien'
Le culte de la minceur est tel qu'il vire à 'l'obsession' et à la 'phobie de tout ce qui est gros', observe Catherine Grangeard. La grossophobie c'est s'en vouloir à soi-même du moindre petit bourrelet et le reprocher aux autres, les deux procèdent d'un même état d'esprit. C'est la peur de se trouver à côté de la norme, que notre société a construite. Aux Etats-Unis on parlait dès les années 70 de 'fat phobia'. En France, il a fallu attendre les années 90 et le combat d'Anne Zamberlan, fondatrice de l'association Allegro Fortissimo.
'Si vous regardez il n'y a pas énormément de gros dans les rues.' Fuir un regard culpabilisant, stigmatisant, parfois méchant. Fuir les insultes à l'école, dans la rue, chez le médecin aussi parfois, comme en témoigne Gabrielle Deydier. 'Les gens se permettent de faire des réflexions régulièrement, au quotidien.'
Pour dénoncer la grossophobie, le compte Twitter @GrosCorpsSocial recense et dénonce les faits de discrimination lié à la corpulence. Du côté de Gabrielle Deydier on est dans la dénonciation et aussi dans l'introspection. Avec courage et humilité, l'auteur étudie les mécanismes qui l'ont amenée à prendre du poids.
De parfaitement intégrée dans sa vie étudiante, Gabrielle Deydier est passée à discriminée dans la vie professionnelle. La rédaction de son livre lui a coûté en 'larmes' et en 'eczéma', confie-t-elle. Aujourd'hui elle va mieux, écrire ce livre l'a aidée à prendre confiance en elle et à se détacher du regard des autres. 'J'ai décidé que mon corps serait bon pour la plage, tous les corps sont bons pour aller sur la plage.'
Un courage et une détermination que tout le monde n'a pas. Et que l'on n'est pas tous capables d'avoir. Comme le dit la psychanalyste, cela dépend de notre éducation et de comment on se construit. 'Si le narcissisme est très atteint, la souffrance commence très jeune et très tôt', explique-t-elle. Si la confiance en soi est sapée dès le départ on a plus de mal à s'en sortit. 'L'important est de ne pas rester seul isolé avec le poids de sa souffrance.'
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