Voyager à vélo de Nancy jusqu’au Maroc c’est le périple qu’a réalisé Rayan. C’était une épreuve atypique mais chargée en émotions pour le jeune cycliste, qui a souhaité se rendre au pays natal de son défunt père. Son parcours de mémoire familial lui a aussi permis de se reconnecter avec la foi chrétienne.
Rayan décrit sa situation familiale comme étant assez banale. Lui et sa grande sœur vivaient convenablement avec leurs deux parents. Malheureusement, ce climat paisible fut chamboulé en 2006, à la mort du père de Rayan : “C’était une enfance classique jusqu’à l’arrivée du cancer qui a terrassé la corporalité de mon père”, explique Rayan. Il garde précieusement en tête les souvenirs de son défunt père qu’il qualifie comme étant “ un père attentif mais assez pris par ses engagements professionnels”. C’est avec une pointe de regret que Rayan parle des difficultés professionnelles de son père. En effet, son statut d’immigré lui a valu des difficultés à obtenir la reconnaissance de ses pairs dans son travail.
Rayan confie qu’il n’a pas réussi à faire son deuil facilement. “Le jour de l’enterrement, je n’ai pas pu supporter de voir le cercueil descendre et être enseveli”, dit-il. Lorsqu’il compare sa réaction avec celle de sa sœur - plus démonstrative émotionnellement -, il en tira une conclusion : “Les garçons ont plutôt tendance à se renfermer dès que ça touche à l’émotion”.
Le décès de son père a bousculé le quotidien de Rayan, qui avait perdu à seulement l’âge de six ans, son repère paternel. Il était constamment en recherche de figures pouvant combler au mieux le vide laissé par le départ prématuré de son père. Finalement, c’est au VTT Fun Club, localisé en Lorraine, qu’il y a trouvé du réconfort : “ça m’a permis d’évoluer dans cette corporalité changeante liée à l’adolescence”. Le VTT a donc structuré Rayan qui s'investissait dans les compétitions et la vie au sein du club. Plus tard, il achète une moto qu’il a finalement revendue pour s’offrir un vélo dernier cri. Cet achat a découlé sur l’organisation d’un voyage en 2021 accompagné d’une amie. Les deux cyclistes sont partis de la montagne de Sainte-Victoire vers la gare de Puy en Velay. Pendant la montée de la côte Malaucène, Rayan fut très ému lorsqu’il sentit une énergie chaleureuse l’aider à gravir cette étape : “Dans cette expression se sentir pousser des ailes, j’avais l’impression que c’était les ailes de mon père qui me poussaient et qu’il me donnait de la force dans ma démarche et dans le fait que je sois sur Terre et que je fasse des choses”, explique-t-il avec émotions.
L’amie de Rayan a mis un terme à son voyage à la gare du Puy en Velay. Le jeune cycliste poursuit, quant à lui, son périple pendant plus de deux semaines encore. Sur le chemin, il croisa la statue de Notre Dame de France. “À ce moment-là, les mots n’ont plus leur place”, dit-il encore ému en se remémorant la scène. “Il y a eu une reconnection, une nécessité d’explorer ce chemin chrétien” renchérit-il. Cette rencontre a resserré le lien entre Rayan et la religion chrétienne. Elle a aussi découlé sur la programmation d’une autre aventure. Toujours accompagné de son fidèle vélo, Rayan parti de son domicile, situé à Dijon, vers Lourdes. Pour cette nouvelle expédition, Rayan fut motivé par sa volonté de se rapprocher de Dieu. Avant ce voyage, il avoue ne pas s’être senti réellement proche de la religion chrétienne, bien que sa mère d’origine vosgienne soit de cette religion depuis longtemps.
Le père de Rayan était musulman non-pratiquant. Cela pouvait laisser place à une confusion quant à ses motivations liées à la religion chrétienne mêlées à celle de vouloir se rapprocher de son père. “Finalement, en cheminant vers quelqu’un on trouve autre chose aussi” rit-il. Ainsi, Rayan évoque son long voyage de 7 000 km à vélo. Il mit 80 jours pour faire l’aller et 90 jours pour le retour. La tombe de son père située à Vandoeuvre était le point de départ. L’objectif final était de se rendre, toujours accompagné de son vélo, au sommet du plus haut rocher de Djebel Toubkal au Maroc. Si les trajets en vélo n'étaient plus un problème pour lui, seule la barrière de la langue l’inquiétait par moment. Vers la fin de son périple, il passa par la ville natale de son père : Salé, la capitale politique du Maroc. Quelle fut l’émotion forte qui submergea la famille de Rayan en voyant ce visage si familier. Le fils tenant majoritairement de son père, le rapprochement physique avait été bouleversant, surtout après toutes ces années de distance : “Une communication réduite à un petit message sur Facebook une fois tous les deux ans” explique Rayan. Voir la trace de vie du père de Rayan avait beaucoup ému sa famille du côté de son géniteur. Si les retrouvailles avec sa famille maghrébine était un souvenir impérissable pour Rayan, ce dernier se rappela aussi de la fracture sociale frappante dans la ville de Salé. En effet, plusieurs quartiers comparables aux arrondissements parisiens constituent la ville marocaine. Les quartiers proches des habitations royales reflétaient une certaine richesse, tandis que ceux plus éloignés subissaient une différence sociale qui se ressentait sur le quotidien des habitants : un véritable fossé social et économique divisait les salétins.
Rayan reprit ensuite sa route vers le Djebel Toubkal. Il gravit alors les 4167 m de hauteur en portant son vélo symbolique à bout de bras. Une fois cette montée héroïque arrivée à son terme, il ne ressentit aucune douleur physique. Le plus périlleux c’était l’effort pendant l’ascension. Pour ne jamais sombrer dans le découragement et le pessimisme, Rayan se récitait des prières et des phrases d’encouragements à chaque fois que le besoin s’en faisait ressentir. “Une fois en haut, il y avait comme un apaisement de cet accomplissement”, confit Rayan encore marqué par cette expérience. Au sommet du Djebel Toubkal, à la fin de son périple, il transmis un message à son père : “Même si tu n’es plus là, tu es toujours là”. Bien que la force spirituelle de sa figure paternelle l’ait aidé à aller au bout de cette aventure, c’est au point culminant du Maroc qu’il se sentit proche de son père, qu’il imaginait fier de son fils et fier de la trace qu’il avait laissé sur Terre.
Sur le chemin du retour, il fit halte dans les Alpes juste avant le lac Léman. Il fut attiré par un monastère : ”Je ressens la nécessité de m’arrêter, c’était pas prévu.”, dit-il. “De toute façon, les rencontres avec Dieu sont rarement prévues.”, poursuit-il. Il y a séjourné une nuit après avoir longuement échangé avec le prêtre qui lui a proposé de se faire baptiser. Rayan était convaincu que ce moment, comme tous ceux vécus pendant son périple n’étaient pas dû au hasard. Désormais, il porte fièrement la croix qui appartenait à sa grand-mère, confirmant ainsi son appartenance à la communauté chrétienne. D’autres projets sont à venir pour Rayan. Il nous a confié vouloir poursuivre sa route sur les sentiers de Dieu en se rendant - toujours à vélo - sur les sites chrétiens français. Il souhaite alors “orienter et rassurer sur le fait qu’il y ait des gens qui œuvrent pour la lumière sur Terre”.
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