Des steppes du Caucase au souffle de l'Évangile. À 36 ans, Alexandre Siniakov a derrière lui un parcours aussi atypique que dense et fascinant. Il a connu la vie en sovkhoze, ces fermes soviétiques où tout est mis en commun et qui semblent d'un autre temps, il a découvert et aimé la langue française avec "Le Comte de Monte-Cristo" et c'est un livre de propagande anti-Bible qui lui a donné le goût des Écritures saintes. Pour la première fois il raconte son parcours et publie "Comme l'éclair part de l'Orient" (éd. Salvator).
À le voir, jeune homme souriant à la silhouette longiligne, on ne se doute pas qu'il est recteur de séminaire. Tout de noir vêtu, Alexandre Siniakov est hiéromoine, c'est-à-dire moine ordonné prêtre dans la tradition orthodoxe. Entré au monastère à l'âge de 15 ans, rien pourtant ne le prédestinait à rencontrer Dieu, lui qui a grandi loin de toute présence religieuse. Arrivé à l'adolescence, il n'avait encore jamais "croisé de moine , de cardinal, d'évêque, ni même de fol-en-Christ".
Le fol-en-Christ, cette figure mythique de croyant qui se délaisse de tout ce qu'il possède pour suivre l'Évangile, est bien plus populaire en Russie qu'en Europe de l'Ouest. Pour Michel Evdokimov ces fous de Dieu, mi-vagabonds mi-clochards, aussi inquiétants que fascinants, "constituent l’essence originelle de tout pèlerinage terrestre, et éclairent la condition existentielle de l’homme, hôte passager de ce monde" ("Pèlerins russes et vagabonds mystiques" éd. Cerf, 2004). Évidemment Alexandre Siniakov ne ressemble pas à un fol-en-Christ, mais son itinéraire tient du pèlerinage - son ouvrage autobiographique a d'ailleurs pour sous-titre " Itinéraire d'un pèlerin russe".
C'est qu'Alexandre Siniakov a grandi dans un sovkhoze, ces fermes collectives qui semblent tout droit sorties d'un autre temps, alors que l'effondrement de l'URSS n'a pas 30 ans. A Stavropol, où il a grandi, on était loin de toute influence extérieure. Dans cette ville colonie située entre la Caspienne et la mer Noire, née de la volonté de Staline, "tout appartenait à tous et rien n'appartenait à personne".
Des hommes et des femmes installés là en pleine région désertique avec pour mission de défricher. Et de produire. "La vie était rude au sovkhoze" et tous rêvaient d'évasion. Le jeune Alexandre a trouvé dans la littérature et l'apprentisage des langues une première réponse à son désir de fuite.
ÉCOUTER ⺠Quand la Bible inspire la littérature
Comment, dans ces coins reculés du Nord-Caucase "Le Comte de Monte-Cristo" d'Alexandre Dumas, "l'une des plus belles histoires d'évasion de la littérature", a-t-il croisé la route du jeune adolescent éperdu d'évasion? Toujours est-il que les romans français notamment ont développé son goût et son don des langues - aujourd'hui il vous parle dans un français parfait. Et que c'est dans les romans qu'Alexandre Siniakov a découvert sa vocation religieuse.
Car dans ce sovkhoze éloigné de tout, et même de toute présence religieuse, les personnages religieux incarnaient pour lui "l'altérité". (On pense notamment à cette superbe figure romanesque qu'est l'abbé Faria, inventé par Alexandre Dumas.) Et on ne peut que sourire en écoutant le jeune homme dire d'où lui est venue son attirance pour la Bible: en lisant un livre de propagande athée "pseudo-scientifique" démontrant par a+b l'absurdité des Écritures saintes.
Théologien, prêtre de l'Église orthodoxe de Russie, Alexandre Siniakov est titulaire d’une maîtrise en théologie orthodoxe de l’Institut Saint-Serge et d’un doctorat en lettres classiques de l’École pratique des Hautes Études (EPHE). Il est aujourd'hui le recteur du Séminaire orthodoxe russe en France d'Épinay-sous-Sénart, en région parisienne, qu'il a fondé en 2008.
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