La Conférence des évêques de France (CEF) se réunit à Lourdes du 31 mars au 4 avril en Assemblée plénière. Elle élira un successeur à Mgr Eric de Moulins-Beaufort, son président depuis 2021. Au bout de six ans de mandat, bilan des chantiers menés, en cours et à venir, au sein d’une Église en mutation.
À la veille de l’Assemblée plénière et l’élection d’un nouveau président de la Conférence des évêques de France (CEF), quel bilan tirer de ces six années guidées par la crosse de Mgr Moulins-Beaufort ? Au cours des deux mandats de l’archevêque de Reims, la CEF a dû se confronter à une nouvelle réalité ecclésiale et sociologique, à laquelle l'Église doit s'adapter.
Les plus grandes évolutions sont à constater à l’intérieur de l’institution. Au cours des six dernières années, l'Église a dû faire face à des problématiques nouvelles. Des sujets sous-jacents ont surgi au grand jour avec la transformation de la société et des mœurs.
La gestion de la crise des abus au sein de l’Église a été le chantier principal des mandats d’Eric de Moulins-Beaufort. D’une brèche dans le mur du silence, a déferlé une avalanche de dénonciations et témoignages de violences subies dans certaines communautés, mouvements charismatiques ou établissements scolaires.
La première tâche des évêques fut de répondre aux “cris des pauvres”, méthode appuyée par le pape François. D’entendre les plaintes des victimes d’abus spirituels ou sexuels, si longtemps ignorées, ou pire, tues. La CEF s’est employée à identifier et répondre aux attentes des personnes victimes de violences.
Plus de trois ans après le choc du rapport Sauvé, publié en octobre 2021, les travaux de la Ciase (Commission indépendante sur les abus dans l’Église) semblent porter leurs fruits, bien que douloureux. Ils ont ouvert la voie à une reconnaissance des victimes et à une identification des dérives qui doivent être éradiquées de l’institution.
D’autres mutations vers une Église renouvelée sont en cours, notamment dans son organisation interne. Le synode sur la synodalité a été l’occasion d’interroger l’attribution du pouvoir décisionnel. La structure centralisée, hiérarchique et essentiellement cléricale est questionnée. Grand risque pointé par le pape François, le danger du cléricalisme a poussé la CEF à entreprendre de grands travaux de révision et de rénovation des instances de gouvernement.
La reconsidération de la place des femmes a commencé à faire son chemin, ainsi que celle du ministère des laïcs. La prochaine élection “présidentielle” a donc lieu dans un contexte de révision de l’Église. Non pas dans une perspective d’abolition de ce qui est, mais de rénovation et d’approfondissement de la mission des catholiques.
Autre sujet épineux auquel doit se confronter la CEF : le manque d’argent croissant. Face à l’évolution de la réalité nationale, l’Église de France se trouve contrainte de réduire les dépenses. Ce qui lui impose de repenser son fonctionnement.
La plupart des diocèses sont déficitaires. Cela s’explique notamment par des structures et un immobilier surdimensionnés, aujourd’hui inappropriés. Afin de réduire les charges superflues, certains suggèrent de regrouper des diocèses afin d’en diminuer le nombre et la charge.
Confronté à la crise économique, les fidèles donnent moins, ou la crise spirituelle fait qu’il y a moins de fidèles et donc de donateurs. À cela s’ajoute la crise des vocations et le manque croissant de prêtre dans de plus en plus de localités. Une solution pour continuer de faire vivre les paroisses : recourir au service de prêtres étrangers, Fidei donum. Un moyen privilégié, pour le moment, par nombre d’évêques. Mais est-ce une solution pérenne ?
Si ce constat peut alarmer, d’autres signes d’espérance se sont manifestés ces dernières années. Au premier chef, l’afflux des catéchumènes adultes. Un “boum” des demandes de baptême, notamment auprès de jeunes croyants, en quête spirituelle. Une chance pour l’Église de France, autant qu’un challenge. Comment accueillir cette nouvelle dynamique qui chamboule les habitudes, parfois poussiéreuses, de l’Église ? Et comment concilier les différentes sensibilités pour assurer l’unité de l’Église ? Le regain d’intérêt pour la liturgie traditionnaliste (notamment chez les jeunes) pose problème lorsqu’il s’éloigne du cadre posé par l’institution. Voilà un énième défi auquel ont du se mesurer les évêques.
Il revient à la CEF d’établir un plan d’action pour accompagner ces changements imminents. Dans la continuité des chantiers lancés par le mandat précédent, et sans cesse à l’écoute du terrain pastoral, le prochain président (qui sera élu en avril lors de la prochaine plénière) devra donner le ton et tracer le cap dès aujourd’hui pour l’Église de France de demain.
Le président de la CEF est à la tête d’un Conseil permanent composé de dix évêques et d’un secrétaire. L’Assemblée leur délègue la préparation des sessions plénières et l’exécution des décisions prises en son sein. En cas de décisions urgentes qui ne peuvent être traitées en assemblée, il revient au Conseil de trancher. Il supervise le travail des groupes et commissions sur les chantiers en cours, et se porte garant de la continuité de l’action pastorale. Le président de la CEF, et chef du Conseil, est responsable devant l’Assemblée de l'action du Conseil et de l'application des décisions de l'Assemblée.
Au terme de ces six années de mandat, force est de constater la perte d’influence dans les débats publics. La voix de l’Église sur les sujets de bioéthiques autour du respect de la vie — de son éveil à sa mort — n’imprime plus autant la société.
De même sur la question de la laïcité, les divergences d’interprétation avec les autorités publiques ont à plusieurs reprises distendu leur relations. Le président de la CEF s’est notamment opposé aux mesures prises contre le séparatisme islamiste, dénonçant le risque d’une transformation de la loi de 1905, d’une loi de liberté de culte à une loi de contrôle des cultes. Cependant Eric de Moulins-Beaufort dit lui-même entretenir des “relations de travail assez efficaces et cordiales avec les divers gouvernements” avec le “sentiment d'être écouté”(*). En somme, des désaccords de fond mais une entente cordiale.
*Dans un entretien accordé à la rédaction du Pèlerin, le 25 mars 2025.
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