Sa conversion personnelle l’a fait sortir du milieu de ses parents, du monde marchand, de la « petite bourgeoisie » de sa petite ville italienne. Quand il prend conscience du non-sens dans lequel il vit, manger, boire, consommer sans savoir où il va, il décide de reprendre en main sa foi chrétienne et d’être cohérent. Au fur et à mesure qu’il s’engage dans une pauvreté radicale, il découvre toute une part de la société oubliée : les pauvres, les lépreux, les enfants, dont il faut prendre soin. Et que dans cette part oubliée, il y a aussi le reste de la Création, que l’on utilise, que l’on exploite, comme les bêtes de somme qui sont aussi des créatures de Dieu. On voit alors François commencer à prêcher aux oiseaux, aux poissons, au loup de Gubbio, etc. Cela nous paraît aujourd’hui romantique, mais c’était un acte prophétique. François d’Assise nous rappelle que la foi chrétienne dit que Dieu ne vient pas simplement sauver l’humanité, mais toute sa Création.
Quand François d’Assise dicte et dit le cantique des créatures, il est pratiquement à la fin de sa vie. Il est malade, il voit la mort arriver. Il proclame alors ce poème qui est une grande annonce de réconciliation avec la Création.
Dans ce cantique, François d’Assise ne divinise pas la création, il fraternise. Il appelle frères et sœurs des créatures que l’on considérait jusque-là comme négligeables. Ce sont des créatures, nous dit-il, qui ont la même vie que nous, avec une autre dignité, une autre place, une autre mission, mais qui sont appelées au salut comme le reste de la Création.
François avait profondément compris le lien de fraternité qu’il y a avec toutes la création parce qu’elle aussi a été créée par notre Père commun. C’est ce que nous dit le Pape François dans Laudato si (11) : « Tout comme cela arrive quand nous tombons amoureux d’une personne, chaque fois qu’il regardait le soleil, la lune ou les animaux même les plus petits, sa réaction était de chanter, en incorporant dans sa louange les autres créatures. Il entrait en communication avec toute la création, et il prêchait même aux fleurs « en les invitant à louer le Seigneur, comme si elles étaient dotées de raison ». Sa réaction était bien plus qu’une valorisation intellectuelle ou qu’un calcul économique, parce que pour lui, n’importe quelle créature était une sœur, unie à lui par des liens d’affection. Voilà pourquoi il se sentait appelé à protéger tout ce qui existe. Son disciple saint Bonaventure rapportait que, « considérant que toutes les choses ont une origine commune, il se sentait rempli d’une tendresse encore plus grande et il appelait les créatures, aussi petites soient-elles, du nom de frère ou de sœur ».
Cette conviction ne peut être considérée avec mépris comme un romantisme irrationnel, car elle a des conséquences sur les opinions qui déterminent notre comportement. Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément. La pauvreté et l’austérité de saint François n’étaient pas un ascétisme purement extérieur, mais quelque chose de plus radical : un renoncement à transformer la réalité en pur objet d'usage et de domination. »
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