Jean d'Ormesson se disait catholique agnostique, Emmanuel Carrère se dit agnostique athée. Depuis le XXè siècle émerge la figure de l'agnostique qui échappe à toute catégorie sociologique.
Croyants et incroyants : et si les frontières n'étaient plus si claires ? Il y a quelques années, on ne se posait pas (autant) la question, on était catholique ou on ne l'était pas, et ceux qui l'étaient allaient à la messe le dimanche. Aujourd'hui, l'expression de la foi est plus diverse. Les enquêtes sociologiques qui ne considèrent comme croyants que ceux qui vont à la messe oublient tous ceux qui vivent leur foi autrement. Il y a aussi ceux qui ne croient pas mais qui s'intéressent à la Bible pour mieux comprendre les fondamentaux de la foi. Dans son dernier numéro, la revue Études publie l'article passionnant de Camille Riquier, "Figure actuelle de l'agnostique", qui montre comment l'agnosticisme fait bouger les lignes entre croyants et incroyants.
Celui qui ne sait pas : une figure qui n'a cessé d'émerger tout au long du XXè siècle. On a tous croisé des personnes se disant agnostiques, se distinguant aussi bien du croyant que de l'athée. "L'agnostique c'est celui qui suspend son adhésion, son jugement", explique Nathalie Sarthou-Lajus, mais dont "l'ignorance pourrait se transformer en indifférence". D'un autre côté, vouloir croire tout en disant ne pas savoir peut nous maintenir dans une tension spirituelle.
Aujourd'hui il n'y a plus tellement de différences entre celui qui croit mais qui doute beaucoup et celui qui est incroyant mais qui n'est pas non plus indifférent à la question de la foi. C'est en tout cas ce que dit le philosophe Camille Riquier. En s'appuyant sur deux exemples, celui de l'écrivain Emmanuel Carrère - auteur du "Royaume" (éd. P.O.L., 2014) - figure de l'agnostique athée, et celui du philosophe Gianni Vattimo, figure de l'agnostique chrétien. Et parmi les catholiques agnostiques, citons Jean d'Ormesson : "Mon espérance en Dieu est si forte qu'elle s'apparente presque à de la foi", disait-il.
"Il y a peut-être la nostalgie d'une période qui se situe au XVIIè siècle, où la foi était forte et où le doute était fort", avance Nathalie Sarthou-Lajus. Une période où les catégories étaient claires, du moins en apparence. Car n'oublions pas que parmi ceux que l'Église a déclarés saint, beaucoup on connu les affres du doute. Les grands mystiques, comme Sainte Thérèse de Lisieux ou mère Teresa ont dit avoit vécu une nuit de la foi. Des croyants qui expriment leur doute, on se souvient de Noël Copin (1929- 2007) auteur en 1996 de "Je doute, donc je crois" (éd. Flammarion). "Le doute est corrélatif, constitutif, d'une foi authentique", observe Nathalie Sarthou-Lajus.
Seulement voilà, les subtilités de la foi échappent aux catégories sociologiques. Difficile d'opposer radicalement celui qui croit et celui qui ne croit pas, celui qui pratique et celui qui pratique pas. D'ailleurs que signifie "pratiquer" ? Valérie Le Chevalier, auteure de "Ces fidèles qui ne pratiquent pas assez…" (éd. Lessius) explique que même au sein de l'Église s'est opéré au cours des Trente Glorieuses un glissement sémantique sur la foi des laïcs. "Nous avons adopté sans précaution le vocabulaire de la sociologie." Et si selon le droit canonique un baptisé est un fidèle, aujourd'hui "la foi des laïcs est rentrée dans des critères statistiques centrés uniquement sur l'eucharistie."
En janvier 20117, le magazine Pèlerin publiait les résultats d'une grande enquête sur les catholiques de notre pays. Une étude qui proposait un nouvel outil d’analyse: les "catholiques engagés", pour regrouper les pratiquants hebdomadaires, ceux qui vont à la messe une fois par mois, ceux qui y vont dans le cadre de mouvements dont ils font partie, ceux qui assistent à la messe lors des grandes fêtes (Noël, Pâques ou la Toussaint) ou encore ceux vont à l'église à l'occasion d'un baptême, d'un mariage ou de funérailles. Il faut ajouter à ceux-là ceux qui affirment avoir ou avoir eu un engagement au nom de leur foi : ces catholiques engagés représentent 23,5% de la population française.
Au sein des communautés paroissiales, on partage souvent l'idée que le bon chrétien c'est celui qui pratique. Dans la religion catholique, précise Xavier Guézou, de l'IHEMR, "s'il n'y a pas de pratique et de relation à une communauté, on peut se dire que le fidèle n'est plus pratiquant, qu'il est sorti de sa religion." Ce pourquoi le pape François insiste souvent sur cette pastorale "du seuil". Quand des personnes qui fréquentent peu ou pas du tout leur paroisse viennent à l'église à l'occasion d'un mariage, d'un baptême, de funérailles... Les sacrements, restent pour beaucoup des moments privilégiés pour se rencontrer entre chrétiens de diverses sensibilités.
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