C'est la mort d'un jeune moine emporté par une sclérose en plaques fulgurante qui a inspiré à Nicolas Diat son enquête. "Pourquoi est-ce que Dieu a laissé la maladie s'emparer de façon si violente d'un jeune homme qui lui avait donné sa vie avec tant de générosité et de bonheur ?" C'est la question de l'abandon de Dieu qui a guidé l'auteur de "Un temps pour mourir" (éd. Fayard). Un ouvrage où l'on comprend que la mort, les moines ne la désirent pas plus que nous, il leur arrive même d'avoir peur, mais surtout ils s'y préparent tout au long de leur vie.
Les murs des abbayes ne protègent nullement de la tristesse ni des larmes. 'Il y a même des moines qui, à l'instant de la mort, dans les semaines qui précèdent, alors que c'étaient de très bons moines - exemplaires, pieux, ascètes, plein de charité, obéissants... - qui font ce que l'on pourrait appeler de façon facile des petites dépressions.'
Des moments de doute également pour l'ensemble de la communauté, quand un des leurs est atteint comme à Sept-Fons d'une tumeur au cerveau à 28 ans, ou comme à Lagrasse d'une sclérose en plaques à 35 ans. 'Un gouffre, l'incompréhension absolue...' Et cependant, comme l'a noté le journaliste, 'la paix arrive toujours au dernier moment, c'est ça qui est très frappant !'
Les moines se préparent à la mort dès qu'ils entrent à l'abbaye : voilà qui permet une grande sérénité
Ora et labora ('Prie et travaille'), c'est la formule qui résume la règle de vie bénédictine. C'est aussi la vocation des moines, qui ne connaissent pas la retraite. Dans les abbayes françaises aujourd'hui, il arrive assez souvent que les moines soient âgés. L'abbaye d'En Calcat compte 20 moines de plus de 80 ans. 'Mais ce sont des hommes qui veulent toujours se rendre utile, la notion de charité, de gratuité, est extrêmement forte.' Et d'ailleurs, Dom Dysmas de Lassus, le prieur général de la Grande chartreuse, faisait le constat que 'lorsque les frères ne peuvent plus travailler, très rapidement, dans les jours qui suivent, ils s'en vont, comme quelque chose de logique et de très naturel'.
'Les moines nous montrent qu'une mort humaine est possible.' Toutes les abbayes doivent cependant s'organiser pour fournir les soins de gériatrie aux frères les plus anciens. Avec partout un grand souci de présence des plus jeunes auprès de leurs aînés. Nicolas Diat a même été frappé des effets de cet accompagnement sur les malades d'Alzheimer. 'L'accompagnement humain est tellement constant, la présence tellement forte que la souffrance inhérente à la maladie d'Alzheimer est beaucoup plus douce, ça c'est très impressionnant.'
C'est le père abbé de Notre-Dame de Fontgombault qui disait trouver 'quand même surprenant et paradoxal d'imaginer qu'on va se préparer à la mort au dernier moment'. Les moines se préparent à leur fin dès qu'ils entrent à l'abbaye : finalement, de penser autant aux fins dernières, voilà qui 'permet une grande sérénité', observe le journaliste. De fait, si les moines abordent la mort de façon différente, s'ils 'ne sont pas tristes', c'est qu'ils y pensent toute leur vie.
Acharnement thérapeutique, fin de vie difficile, sédation... les moines aussi sont concernés. Nicolas Diat raconte comment le père abbé de Sept-Fons a été pour la première fois confronté à une 'euthanasie déguisée'. Quand à l'hôpital on a proposé pour l'un de ses frères une sédation profonde. 'Une question à laquelle ils sont conscient qu'ils échapperont de moins en moins.'
Journaliste, spécialiste du Vatican, Nicolas Diat est aussi directeur de collection aux éditions Fayard, et auteur du remarqué 'L'homme qui ne voulait pas être pape' (éd. Albin Michel, 2014) et de deux ouvrages co-écrits avec le cardinal Sarah, 'Dieu ou rien' (2015) et 'La Force du silence' (2016)
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