Sophie De Villeneuve aborde dans les Cahiers Croire le sujet du débat. "Nous ne savons plus nous parler. Avec l'avènement des réseaux sociaux, on a détruit une partie de la communication. Se parler, s'entendre, discuter, cela fait partie de notre condition humaine", rappelle-t-elle.
"Ce qui me frappe, c'est l'ignorance, la méconnaissance entre plusieurs franges de la population", explique Christian Mellon. Le chacun pour soi, l'individualisme se trouve à la racine de la difficulté à débattre, mais également à partager.
Le débat d'idées s'est transformé en débat social. "On en vient vite à mettre ses tripes, ses émotions sur la table". Alors, comment écouter l'autre ? Comment se placer dans une posture d'échange ?
Le concept de tolérance émerge en 1686, au lendemain de la révocation de l'Edit de Nantes par Louis XIV. On réfléchit sur la tolérance des opinions. Ensuite, avec Locke, Voltaire, on considère que la diversité de ces dernières peut être un avantage, un atout dans la recherche.
L'ouverture à l'autre est-elle possible en politique ? Le problème, pour Christian Mellon, vient de la superposition du temps du débat et de celui de la décision. La logique, en politique, est binaire.
Claude Habib revient sur l'idée de "prime à la violence". Aujourd'hui, les violences, par exemple lors des manifestations, sont très médiatisées. "Il y a l'idée qu'on y gagne, avec de l'audience, un succès médiatique. Alors c'est une surenchère de la part de chaque groupe".
Les Jésuites ont remis à l'honneur l'exercice de la "dispute". Chaque étudiant choisit un sujet, entend un point de vue et doit en défendre un autre. Cela lui permet d'apprendre à écouter, de travailler son oral, de savoir argumenter.
Christian Mellon rappelle cet exercice spirituel de Saint Ignace de Loyola :
Afin que celui qui donne les exercices et celui qui les reçoit se prêtent un mutuel secours, et retirent un plus grand profit spirituel, il faut présupposer que tout homme vraiment chrétien doit être plus disposé à justifier une proposition obscure du prochain qu'à la condamner. S'il ne peut la justifier, qu'il sache de lui comment il la comprend; et s'il la comprend mal, qu'il le corrige avec amour; et si cela ne suffit pas, qu'il cherche tous les moyens convenables pour le mettre dans la voie de la vérité et du salut.
L'attitude première est donc d'accepter ce que dit l'autre. On doit lui demander comment il justifie ses dires, au lieu de blâmer ou de féliciter. L'autre peut dire, lui aussi, les choses honnêtement et non de façon intéressée ! C'est une attitude a priori qui n'empêche pas les jugements a posteriori.
L'individualisme en tant que tel n'est pas tant un souci. Ce qui crée de la tension, c'est l'individualisme défensif. La peur freine, crée des mouvements de recul, fait rejeter l'autre. "Le risque, c'est quand le débat cède au combat", relève Claude Habib.
On peut évidemment affronter ses adversaires, mais pas dans un rapport de forces. Christian Mellon revient sur la parole de Jésus : "Aimez vos ennemis", qui n'est pas "N'ayez pas d'ennemis". Il faut aimer ceux que l'on affronte, ne pas attenter à leur vie ou à leur dignité. Sans fuir le conflit, il ne faut pas faire de la victoire un triomphe personnel qui humilie l'adversaire.
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