Que se passe-t-il chez une femme, dans son être le plus profond, quand elle devient mère ? On manque de mots pour le dire parce qu'il y a là quelque chose de l'ordre de l'énigme.
En matière de procréation, la science avance vite : qu'en est-il de la relation parent-enfant? Le numéro d'avril 2018 de la revue Études publie l'article de Clarisse Picard "Penser l'enfantement - Dans la perspective de la GPA et de l'utérus artificiel". L'occasion de penser le désir d'enfant, à quelques jours de la fin de la consultation nationale des États généraux de la bioéthique (le 30 avril).
ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA BIOÉTHIQUE - Dès le 18 janvier 2018 s'ouvrent les États généraux de la bioéthique, une vaste réflexion pour réfléchir aux questions éthiques que posent les progrès de la science. Des débats que vous pourrez suivre sur RCF.
"Un enfant vient au monde en passant par le corps de la femme, une expérience bouleversante, transformante, et pour laquelle aujourd'hui nous les femmes nous manquons de mots pour la penser et pour la dire." Clarisse Picard est l'auteure d'une thèse de doctorat de philosophie sur l'enfantement. L'autre mot pour dire accouchement, mais avec "enfantement" on a aussi l'idée d'une double naissance. Celle d'un petit d'homme et aussi de la mère : cette "renaissance à soi-même" dont témoignent un grand nombre de mères. Avec cette idée que l'on est bien "au fondement de notre humanité". Pour la philosophe, l'enfantement, cette expérience qui passe par le corps des femmes, "engage la dimension à la fois charnelle et spirituelle tant de la mère que de l'enfant".
Que se passe-t-il chez une femme, dans son être le plus profond, quand elle devient mère ? "Nous croulons d'une certaine manière, nous les femmes contemporaines, sous des discours qui nous expliquent ce que nous avons à faire pour être de suffisamment bonnes mères, et il me semblait qu'il manquait des paroles de femmes basées sur l'expérience." On manque de mots pour le dire, déjà parce que la chose a été peu pensée, comme l'observe la philosophe, mais aussi parce qu'il y a là quelque chose de l'ordre de l'énigme.
ÉCOUTER â–º L'accouchement n'est pas une maladie
À propos de la maternité, la psychologue Françoise Guérin parle d'une "part d'énigme nécessaire". Dans son livre "Maternité" (éd. Albin Michel, à paraître le 2 mai), on peut lire ceci : "Une bonne mère, lorque tu prêtes l'oreille à qui gronde en toi, il ne s'agit pas d'être une bonne ou une mauvaise mère mais bien en-deçà d'affronter l'inconcevable énigme d'être une mère."
Qu'est-ce qui garantit qu'on est mère? L'auteure de "Maternité" raconte une scène où Clara, son héroïne, "va dans un square interroger des femmes qui ont l'air tellement heureuses d'être mères". Et tente de comprendre ce qui fait qu'on est mère. Comme un écho à ce que confient certains patients de Françoise Guérin, démunis par le fait de se trouver parents. "Pour certains, accéder à la paternité ou la maternité relève du moment catastrophe."
Le paradoxe de l'enfantement c'est que le petit d'homme naît dans une expérience fusionnelle, de chair à chair, avec sa mère, et que pour devenir pleinement humain il va devoir s'en détacher. De même que "accoucher ne suffit pas pour devenir mère", comme le dit Françoise Guérin, "pour que ça fasse une enfant il faut que cet enfant puisse être accueilli comme un sujet."
Ce qui se joue avec l'enfantement, c'est l'apparition d'une "culture familiale", selon les mots du Dr Philippe Gutton. Il a pendant 10 ans accompagné des parents et leur bébé en thérapie familiale. Pour lui, avec un bébé "en train de se développer sur une base organique, c'est la base physique de la culture familiale qui se développe". La culture familiale qui "n'est pas une sous-culture" mais bien "une culture en soi". Il décrit "une sorte de talent de création, chacun d'entre nous a une culture familiale". Et pouyr ce spécialiste de l'adolescence, ce qui se joue à cette époque de la vie c'ets justement le passage dela culture familiale à la culture sociale, française ou européenne.
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