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Face à Hitler, comment dire non ? Le résistant Franz Jägerstätter, figure de la liberté de conscience

Un article rédigé par Madeleine Vatel - RCF, le 18 novembre 2024 - Modifié le 18 novembre 2024
Halte spirituelle, l'intégraleLa liberté de conscience vécue par Franz Jägerstätter face à Hitler

Pourquoi certains ont-ils résisté au nazisme et pas d’autres ? Cette question a préoccupé beaucoup d’historiens, de philosophes, de théologiens….Comment ces personnes ont-elles trouvé la force de dire non, comment ont-elles compris leur responsabilité personnelle à ce moment précis ? C’est la question de la conscience et de la vie intérieure qui est posée. Pour le père Matthieu Aine, curé du diocèse de Lille, la vie de Franz Jägerstätter éclaire particulièrement bien cette question.  
 

La vie du résistant Franz Jägerstätter permet de saisir ce qu'est la liberté de conscience La vie du résistant Franz Jägerstätter permet de saisir ce qu'est la liberté de conscience

Ce qu'il faut retenir :

  • Franz Jägerstätter est un catholique autrichien qui refusa d'obéir à Hitler, au prix d'une vie familiale et rurale
  • La liberté de conscience n'est ni l'opinion, ni une voix étrange, "c'est ce qui se fait entendre en nous comme la voix divine"
  • Comment former sa liberté de conscience ? "un homme qui ne lit rien, sera le jouet des autres, il ne pourra pas tenir debout " écrit Franz Jägerstätter

Franz Jägerstätter avait une trentaine d’années quand l’Allemagne a déclaré l’Anschluss. Le 12 mars 1938, les troupes allemandes pénètrent en Autriche et annexent ce territoire pour former une Grande Allemagne. Le chancelier autrichien est contraint à la capitulation. A cette époque, l’autrichien Franz Jägerstätter est marié, père de famille, catholique et cultive ses terres dans le petit village de Sankt Radegund. Il est bousculé par ce changement, et se débat avec ses propres décisions… «C’est le moment où les Evêques qui avaient affirmé que le catholicisme était incompatible avec le nazisme, se taisent. Ils croient désormais qu’ils auront leur propre liberté au sein de ce régime » explique le père Matthieu avant de poursuivre : « dans contexte, exercer sa liberté de conscience c’est déjà reconnaître que nous pouvons répondre à autre chose que ce qui se passe, ce qui se dit autour de soi ». John Henri Newman, théologien et écrivain britannique du XIXème siècle, va la définir non pas comme « une imagination, ou une opinion mais comme une obéissance attentive à ce qui se fait entendre en nous comme la voix divine ». En quelque sorte, une obéissance intérieure à une loi « que nous ne nous donnons pas à nous même » dira John Henri Newman. 


Former sa conscience 


Comment Franz Jäggerstätter est-il parvenu à dire non au régime nazi, à imposer ce qu’il pensait être bon ? Se poser la question de cette voix intérieure, c’est se demander ce qui forme la conscience. « Franz Jäggerstätter va nourrir sa conscience politique : il va chercher à connaître ce qui ce qui est en train de se passer, il lira beaucoup les journaux » note le père Matthieu Aine. Le curé du diocèse de Lille souligne aussi à quel point « il est un amoureux de la Parole de Dieu, il la dévore. Fait significatif : quand l’aumonier va lui proposer une dernière chose en prison, ce sera la Bible ». Enfin, l’agriculteur autrichien est un homme qui aime le silence, et prend du temps. Sa solitude dans les champs sont propices à ce temps de réflexion.  Ses écrits portent la trace de ses pensées.

Quand l’aumonier va lui proposer une dernière chose en prison, ce sera la Bible

Le résistant est convaincu « qu’un homme qui ne lit rien, sera le jouet des autres, il ne pourra pas tenir debout et sera à la merci de l’opinion » cite le père Matthieu à propos du jeune autrichien. 


Ecouter sa conscience 


Ecouter sa liberté de conscience est-ce désobéir ?  Pour l’Autrichien Franz Jägerstätter la réponse n’a rien d’évident. Pour ce résistant, refuser l’Etat en bloc ne fait pas sens, et dans un premier temps, il va obéir aux injonctions : il partira servir l’armée allemande. C’est aussi l’attitude du Christ qui appelle à respecter l’Etat. Cette obéissance est toutefois conditionnée à la nature des ordres : il va les accepter «seulement dans la mesure où ils ne nous ordonnent rien de mal ». Progressivement, voyant dans l’Etat nazi une origine diabolique, Franz Jägerstätter va commencer à poser des actes de résistance : par exemple, il renoncera à l’aide que le régime nazi accorde aux agriculteurs, puis refusera de donner sa cotisation.

Tout le monde n’écoute pas sa conscience et pourtant c’est la chose la plus partagée au monde

L’importance que prend sa conscience intérieure n’est pas linéaire, elle est faite de décisions quotidiennes, très concrètes. « Tout le monde n’écoute pas sa conscience et pourtant c’est la chose la plus partagée au monde » remarque le père Matthieu Aine.  

Franz va prendre au sérieux un rêve 

Dans ce rêve, un train emmène avec lui les passagers vers un lieu de souffrance terrible. « Ce rêve nous dit qu’apparait en nous la voix du Christ qui nous révèle ce qui est bon et juste. Franz  Jägerstätter va prendre au sérieux ce rêve. Une lumière se fait en lui, qui n’a pourtant rien d’évident. Et pour être sûr de nourrir sa conscience du choix qu’il doit faire, il écrira ses pensées et ses doutes. » relève Matthieu Aine.  

Une conscience confrontée au réel 

Franz Jägerstätter est confronté à de vraies questions : laisser sa famille, son village, son épouse et ses filles. Aussi va-t-il s’accrocher dans la prière au Christ et son humilité. A une époque où c’est le surhomme qui est mis en avant, Franz Jägerstätter veut échapper à l’orgueil, à cette fierté qui écrase les autres. C’est dans cet esprit qu’il faut comprendre ses actes de résistance qui le conduiront à la mort, en 1943 en prison. En aucun cas, ce n’est une recherche du martyr pour lui-même. « Il est clair que je ne peux rien changer au cours de choses. Je veux être le signe que tous ne se laissent pas emporter par le courant » écrit-il dans une lettre à son épouse Franziska. Pour lui, l’enjeu c’est d’aimer dans l’éternité. Il a souhaité être témoin de ce qu’il vivait dans sa conscience. 

Avoir raison du monde

Dans un carnet, Franz Jägerstätter note que ceux qui ont traversé les épreuves « ont eux aussi dû parfois lutter avec acharnement  pour avoir raison du monde ». Le père Matthieu Aine commente : "Il y a des choses qu’on ne peut pas accepter dans notre conscience et dans ce qui est en train en train de se vivre. Il y a forcément, à un moment ou un autre, pour le chrétien, l’occasion de mener une vie différente de ce que lui propose le monde. C’est ce que Thérèse d’Avila appelle un ‘mal-courage’ pour lutter et résister ». 

De quoi sommes-nous endormis ? Qu’est-ce que nous ne voulons pas voir, qu’est-ce qui crie en moi

Le curé de la paroisse de Malo-les-bains à Dunkerque souhaite interpeller les chrétiens. « De quoi sommes-nous endormis ? Qu’est-ce que nous ne voulons pas voir, qu’est-ce qui crie en moi, et que je peux essayer de cacher, d’ignorer ? Qu’est-ce qui dans le monde ne va pas et que le monde accepte ? ». S’appuyant sur la vie du bienheureux Franz Jägerstätter, racontée dans en 2019 dans le film de Terrence Malick, une vie cachée, le prêtre appelle à rester attentif à l’écoute de la voix de Dieu. 

Émission Halte spirituelle © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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