Jean-Marie Lustiger, grande figure de l'Église de France, est mort il y a 10 ans, le 5 août 2007. Né juif le 17 septembre 1926, il a connu un destin hors du commun, jusqu'à devenir une personnalité influente du catholicisme.
P.RAZZO/CIRIC - Le 7.08.2007, un portrait de Mgr Jean-Marie LUSTIGER dans la cathédrale Notre-Dame de Paris
Aron Lustiger a ressenti dès l'adolescence le désir de se convertir au catholicisme. Il y eut notamment cet épisode décisif de sa vie durant la Semaine sainte, dans la cathédrale d'Orléans, en 1940. Le 25 août 1940, il avait 14 ans, quand il a reçu le baptême. Aron ajouta alors à son prénom ceux de Jean et de Marie.
Trois ans plus tard, sa mère est morte à Auschwitz où elle avait été déportée. Tout au long de sa vie, Jean-Marie Lustiger a enrichi sa foi chrétienne de son identité juive à laquelle il n'a jamais renoncé. Étudiant en lettres à Paris, il entre au séminaire en 1946 et devient prêtre à l'âge de 27 ans. Rapidement, il devient curé de paroisse puis évêque d'Orléans, puis archevêque de Paris. Il est créé cardinal par Jean-Paul II en 1983. En 1995, il est élu membre de l'Académie française.
En 2002, un an après les attentats du 11 septembre, Jean-Marie Lustiger parlait déjà d'une nouvelle ère. En fait il s'inspirait de la constitution pastorale "Gaudium et Spes", signée le 7 décembre 1965 par les pères conciliaires, qui ont avec Vatican II "annoncé la jeunesse de l'Église dans un monde qu'ils pressentaient fondalement et totalement nouveau".
Ce qui est "fondamentalement nouveau", expliquait l'archevêque de Paris, ce sont les relations entres les hommes. Grâce aux nouvelles technologies, "enfin nous nous connaissons les uns les autres, nous savons que nous existons."
Dans notre monde qui a vu s'effondrer les systèmes totalitaires du XXè siècle, le cardinal entrevoyait une nouvelle menace dans les avancées de la science "quand elle veut reformer l'humanité non pas à partir de l'histoire ni des pensées, mais à partir de la biologie". Il dénonçait "le rêve démirugique des hommes qui se prennent pour Dieu" et concluait: "Nous sommes donc dans une époque fantastique, extrêmement dangereuse, où l'on joue à pile ou face avec la vie et la mort."
Fort de ce constat inquiet mais lucide sur le monde du XXI siècle, Jean-Marie Lustiger affirmait que "la jeunesse de l'Evangile n'a jamais été aussi évidente". "Jamais les phrases de l'Évangile qui annoncent une espérance, un salut pour toutes les nations, la soldiarité du genre humain, n'a été autant à pied d'oeuvre de ce qu'elle a à faire", disait-il en 2002.
Comment parler à nos contemporains? Pour l'homme d'Église, nul besoin de considérer l'expansion du message chrétien comme on conquiert des parts de marché. "Ce n'est pas comme ça que le problème se pose." Il faut aller à la source, qui, pour les chrétiens est le Christ. "Aller là où l'homme est le plus perdu pour lui annoncer la plus haute espérance ne se fera pas par la voix marchande de la conquête du marché."
Mgr Lustiger réaffirmait la nécessité pour les chrétiens de considérer avec le Christ le mystère de la condition humaine. "Quand les hommes sombrent dans l'abime ce qui nous est demandé c'est de plonger avec le Christ, affirmait le cardinal, pas de nous faire applaudir par les gens qui sont sur la rive." Condition nécessaire pour que le christianisme soit "source de civilisation".
"Le christianisme n'est pas un comportement à adapter, un produit à vendre, une idéologie à installer. Elle est l'irruption dans la liberté humaine de la liberté de Dieu." Notre religion, disait-il, "s'adresse donc aux libertés". "Une force contraignante ne crée pas une civilisaiton, elle impose des comportements."
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