Intelligence Artificielle - Une IA a récemment célébré une messe en Allemagne devant près de 300 fidèles. Faut-il y voir un danger ? On en parle avec le père Stéphane Jourdain dans Midi Lorraine, à travers la chronique "L'actu vue par un prêtre".
RCF : Bonjour Stéphane… vous nous reparlez de l’Intelligence artificielle aujourd’hui… encore !
Stéphane Jourdain : Oui Michaël, parce qu’un ami m’a envoyé un article qui m’a fait froid dans le dos… Mais avant de vous dire de quoi il s’agit (vous voyez, je fais du teasing), un chiffre, une statistique : selon un nouveau sondage Odoxa, 67% des Français pensent que l'IA constitue désormais "une menace" (+14 points depuis février). Comme quoi, c’est un domaine complexe auquel on s’affronte…
En Allemagne, le week-end dernier, 300 protestants réunis à une convention ont été guidés dans la prière par une Intelligence Artificielle pendant 40 minutes en Baviève. Le chatbot ChatGPT a animé des prières, diffusé de la musique, fait des sermons et donné des bénédictions. Le site internet qui diffuse l’info a même tagué l’article avec le mot clé « GodGPT », Dieu GPT ! Ce service a été mis en place avec l’aide d’un professeur de théologie de l’université de Vienne de 29 ans, qui a laissé la machine faire 98 % du travail ! Bien entendu, lors de cette convention, qui avait d’autres rendez-vous, les gens se sont massés devant l’église pour voir l’écran géant avec les 4 avatars qui guidaient ce service évangélique.
RCF : Et quel a été le résultat de cet essai ?
SJ : Un participant, qui travaille dans l’informatique, disait en sortant « Il n’y avait ni cœur ni esprit, l’avatar ne montrait aucune émotion, n’utilisait pas de langage corporel, et parlait rapidement et de façon monotone, au point que j’ai eu du mal à me concentrer ». Ouf, mon boulot n'est pas encore totalement menacé…
Sérieusement, on peut, comme le dit l’article, enchainer des platitudes, et je pense que tous les prêtres ou pasteurs le font parfois : il faut prier, aimer, aller à la messe, mais quand on les dit, on illustre avec quelque chose de la vie de la communauté locale, de la vie des gens qu’on a face à soi… L’IA est encore trop généraliste, et ne se laisse pas forcément bousculer par des rencontres pour en témoigner…
Certes, on peut y trouver le contenu théologique, mais il manquera toujours l’affect et la relation qui donnent le ton d’un temps de prière… Bref, je ne suis pas fan.
RCF : Alors ça c’est chez les protestants allemands, mais dans l’église Catholique en France ?
SJ : Du côté Catho, on n’en est pas encore là, et heureusement. On en reste au développement traditionnel d’applications et de sites pour aider les chrétiens. Hier soir, sur KTO, en direct depuis les Bernardins, vous avez pu vivre la soirée Pitch my Church, en lien avec la Church Tech ! Je suis trop fan de ces noms. Ça me rappelle ces émissions télé il y a quelques années, où un garage avait un peu de temps pour transformer complètement une voiture. Là c’est la même chose, mais avec l’Église !
L’idée est de présenter, en 3 minutes, des projets chrétiens qui naissent sur internet, au service de la foi… En 2017, c’était la première édition, et hier c’était la 5ème édition. Alors pas d’IA, de métavers, de lunettes apple hyper couteuses ou je ne sais quoi, mais des choses qui existent, et qui ne demandent qu’à grandir…
RCF : Dites-nous en plus sur cette soirée Stéphane…
SJ : Cette émission, ou cet événement, comme vous voulez, était animée par le Frère Paul-Adrien, un dominicain Youtubeur, qui parle de la foi dans des vidéos parfois un peu fofolles, mais qui cartonnent auprès des jeunes. D’ailleurs, un confrère prêtre me disait mardi qu’il avait plusieurs jeunes qui venaient le voir pour lui demander des explications sur les vidéos du père Matthieu sur Tiktok… Comme quoi ces influenceurs cathos, comme on les nomme désormais, ont aussi une postérité.
La soirée a d’ailleurs commencé avec une table ronde sur les influenceurs chrétiens, une participante disant qu’elle n’aimait pas ce nom, lui préférant celui de créateurs de contenus… Ce qui ressortait de cet échange, c’était l’importance de l’authenticité du youtubeur et de l’audace pour se lancer. Une autre table ronde a parlé d’argent, car il faut bien vivre de son travail, et parois faire vivre des employés quand il s’agit de start-up chrétiennes… Puis on a vu défiler 7 personnes qui avaient chacune 3 minutes pour présenter un projet qui gagnerait le prix Carlo Acutis…C’est le temps du pitch !
RCF : Alors quels étaient les projets présentés ?
SJ : Belles Églises, un site pour sauver les églises de France… Le guide Michelin des églises en fait, où de nombreuses personnes écrivent pour demander de sauver les églises qui comptent pour elles. Mais aussi Heavn, je simplifie en reprenant l’image du fondateur, c’est le Tinder catho, le site de rencontres catho ! Autre proposition : les Mooc de Formation Catholique (Le Mooc de la messe, connaître Jésus…), ou alors le site Ritrit (le AirBnb des monastères qui fonctionne avec un système de réservation de retraite en partenariat avec des monastères.) « Litlle Catho », une box pour les enfants de 5 à 10 ans offert par les parents, parrains, marraines à ces enfants. Tous les deux mois, cette boite leur arrive, avec des jeux, un livret autour de la vie de deux saints. L’idées est d’emmener les enfants au ciel selon la créatrice de cette box… Autre projet : Oclocher, une application pour gérer la vie de sa paroisse (un panneau numérique dans la poche, avec ls infos de la paroisse), et finalement l’application Youpray, qui est un coach de prière. Youpray existe depuis quelques années, et c’est payant, mais honnêtement, ça vaut le coup. Vous savez Michaël, quand on paye, on finit par faire ce pour quoi on a donné de l’argent…
RCF : Dites-nous quel a été le gagnant Stéphane…
SJ : D’abord, un mot pour dire que les entrepreneurs qui présentaient leurs projets ne sont pas tous des perdreaux de l’année… Certains ont un âge certain même, mais tous ont décidé d’investir le net pour lancer des projets. « Le but est vraiment de donner de la visibilité à des projets chrétiens dans l’air du temps, qui ont besoin de faire parler d’eux », expliquait Pierre Macquère, président de l’association, sur le site Aleteia.
Bon, je vous donne l’appli qui a gagné… Suspens. Selon vous Michaël ? Il s’agit de Ritrit, l’application qui permet de réserver sa retraite spirituelle dans des monastères. Pour l’instant il n’y en a que 50, mais je suis sûr que ce prix Carlo Acutis qui a été remis à l’équipe de Ritrit leur permettra de proposer à encore plus de communautés religieuses de rejoindre cette application. Carlo Acutis, vous voyez qui c’est Michaël ? C’est ce jeune saint qui a été canonisé il y a quelques années et qui s’était lancé dans l’annonce de l’évangile sur internet… Un saint récent, mort jeune, mais qui avait la prière au cœur, et l’envie de faire connaître Jésus. Bon, sur ce, je vous laisse, je vais tenter d’inscrire mes églises sur le site Belles Églises !
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