Le bienheureux Jean Duns Scot est un théologien et philosophe franciscain qui a été surnommé le « docteur subtil ». Il a marqué l’histoire de la théologie, en particulier parce qu’il a émis l’argument de la « rédemption préventive » qui explique comment la Vierge Marie a reçu la grâce de l’immaculée conception en anticipation de la rédemption que son fils allait nous apporter par son incarnation, sa mort et sa résurrection.
Peut-on être prêtre, évêque, missionnaire et même saint quand on a une santé très fragile, quand on souffre d’épilepsie et de somnambulisme ? Le saint Guy-Marie Conforti répond à toutes ces questions : il a souffert de tout cela et a été un des grands missionnaires de la fin du XIXe siècle. Il a insufflé un nouvel esprit missionnaire dans l’Église de son temps tout en demeurant quasiment toute sa vie dans son Italie natale. Ce saint va relever le défi de redémarrer les missions en Chine en prenant pour exemple saint François-Xavier.
On ne connaît pas tous les détails de la vie de Jean Duns Scot. Il serait né vers 1266 à Duns en Écosse. Il entre chez les Franciscains en 1280 et est ordonné prêtre le 17 mars 1291. Il étudie à l’université d’Oxford. Vers 1300, il commence à enseigner à Oxford et se lance, comme beaucoup d’intellectuels de son époque, dans le commentaire des Sentences de Pierre Lombard. Il part ensuite pour Paris où il enseigne à nouveau. Mais il est obligé de quitter la Sorbonne lorsqu’un conflit éclate entre le roi Philippe IV le Bel et le Pape Boniface VIII. Le roi exige que tous les religieux signent un document hostile au Souverain Pontife. Duns Scot et ses frères franciscains refusent et doivent quitter le pays en juin 1303. Mais la situation s’apaise avec l’arrivée d’un nouveau pape, Benoît XI, et le revoilà à Paris en 1304. En 1305, Duns Scot est docteur, puis pendant 2 années à partir de 1306, maître des études des franciscains à Paris. Il est ensuite envoyé à Cologne vers la fin de l’année 1307 comme professeur du Studium des franciscains de cette ville. C’est là qu’il meurt le 8 novembre 1308 à l’âge d’à peine 43 ans. Il laisse derrière lui de très nombreuses œuvres.
Si les détails de la vie de Duns Scot sont peu connus, son œuvre très originale, par contre, est fameuse et a été beaucoup étudiée.
Je ne vais pas me lancer dans le cadre de ces podcasts dans des descriptions théologiques savantes, mais je vais néanmoins essayer de vous donner quelques points qui montrent le génie de notre bienheureux. Je m’appuierai pour cela sur la très belle catéchèse que Benoît XVI a consacrée à Duns Scot le 7 juillet 2010 ainsi que sur un article du théologien Martin Steffens.
Duns Scot a d’abord une vision originale sur la création. Pour lui, elle est un miracle de la liberté de Dieu. À son époque, beaucoup de théologiens étaient « émanationnistes », c’est-à-dire qu’ils considéraient que la création « émanait » de Dieu comme si Dieu avait été obligé de créer le monde, comme s’il n’avait pas pu faire autrement. Duns Scot affirme que Dieu était libre de créer ou non. Si le monde existe, c’est parce que Dieu l’a voulu. C’est un cadeau. Pour qui est ce cadeau ? On peut penser que ce cadeau est pour l’homme… mais nous ne sommes que des créatures contingentes, nous faisons partie du cadeau de la création. Pour Duns Scot, l’univers créé est le cadeau que le Père fait à son Fils en vue de son incarnation.
Ici, nous arrivons au point central de la théologie de Duns Scot qui est sans conteste sa réflexion sur l’incarnation du Fils de Dieu. Pour lui, l’incarnation n’est pas la réponse de Dieu au péché de l’homme. Le péché est en effet contingent. Il aurait très bien pu ne pas être commis par Adam et Ève – et il aurait mieux valu qu’il ne soit pas commis ! Et pour Duns Scot, on ne peut pas imaginer que l’incarnation ne soit qu’une réponse à un drame qui n’aurait pas dû avoir lieu. Selon lui, c’est tout le contraire. Je le cite : « Penser que Dieu aurait renoncé à une telle œuvre – comprenez l’incarnation de son Fils – si Adam n'avait pas péché ne serait absolument pas raisonnable ! Je dis donc que la chute n'a pas été la cause de la prédestination du Christ et que – même si personne n'avait chuté, ni l'ange ni l'homme – dans cette hypothèse le Christ aurait été encore prédestiné de la même manière» (in III Sent., d. 7, 4), comprenez le Fils se serait de toute façon incarné. Benoît XVI explique cette intuition originale de Duns Scot :
Cette pensée, peut-être un peu surprenante, dit le pape, naît parce que pour Duns Scot l'Incarnation du Fils de Dieu, projetée depuis l'éternité par Dieu le Père dans son plan d'amour, est l'accomplissement de la création, et rend possible à toute créature, dans le Christ et par son intermédiaire, d'être comblée de grâce, et de rendre grâce et gloire à Dieu dans l'éternité
Pour Duns Scot, la création tout entière est donc un cadeau que le Père fait au Fils en vue de son incarnation. Cette incarnation est si belle, si puissante qu’elle ne peut être simplement la conséquence d’une faute contingente. Benoît XVI continue :
Même s'il est conscient qu’en réalité, à cause du péché originel, le Christ nous a rachetés à travers sa Passion, sa Mort et sa Résurrection, Duns Scot réaffirme que l'Incarnation est l’œuvre la plus grande et la plus belle de toute l'histoire du salut, et qu'elle n'est conditionnée par aucun fait contingent, mais qu’elle est l'idée originelle de Dieu d'unir en fin de compte toute la création à lui-même dans la personne et dans la chair du Fils
En d’autres mots, comme le dit le théologien Martin Steffens qui souligne que Duns Scot a été le seul à parler ainsi, « la cause de l’Incarnation du Verbe, ce n’est pas d’abord le rachat notre péché. C’est la bonté intrinsèque de la chair, bénie depuis toujours afin que le Christ, qui est le Verbe incarné, puisse s’en revêtir. C’est pourquoi notre corps, comme le dit saint Paul, est le temple de l’Esprit (1, Cor 6, 19). »
Je voudrais souligner un autre aspect de la pensée originale de Duns Scot : c’est sa réflexion sur la Vierge Marie et son immaculée conception. Il faut savoir que, depuis très longtemps avant Duns Scot, le peuple de Dieu croyait spontanément que la sainte Vierge avait été conçue sans le péché originel. Mais cette croyance se heurtait aux objections des théologiens bien-pensants qui comprenaient l’immaculée conception comme étant en contradiction avec l’universalité de la Rédemption opérée par le Christ, un peu comme si Marie n’avait pas eu besoin du Christ pour être sauvée. Duns Scot a répondu à l’objection de ces théologiens par un argument qu’on a appelé la « rédemption préventive » et qui a été repris 700 ans plus tard par le pape Pie IX quand il a proclamé le dogme de l’Immaculée Conception. Cet argument de la « Rédemption préventive » présente l’Immaculée Conception comme le cite Benoît XVI :
le chef d’œuvre de la Rédemption opérée par le Christ, parce que précisément la puissance de son amour et de sa médiation a fait que sa Mère soit préservée du péché originel. Marie est donc totalement rachetée par le Christ, mais avant même sa conception
Jean Duns Scot n’a été béatifié officiellement que le 20 mars 1993 par saint Jean-Paul II, mais il bénéficiait d’une réputation de sainteté depuis des siècles. Il a été un théologien humble qui a su se mettre à l’écoute de la foi du peuple de Dieu – le sensus fidei – qui croyait spontanément et le manifestait dans des actes de piété que la Vierge avait été conçue sans péché. Voici, en conclusion, ce que dit à ce propos le pape Benoît XVI :
« Ainsi, la foi tant dans l’Immaculée Conception que dans l’Assomption corporelle de la Vierge, était déjà présente chez le Peuple de Dieu, tandis que la théologie n’avait pas encore trouvé la clé pour l’interpréter dans la totalité de la doctrine de la foi. Le Peuple de Dieu précède donc les théologiens, et tout cela grâce au sensus fidei surnaturel, c’est-à-dire à la capacité dispensée par l’Esprit Saint, qui permet d’embrasser la réalité de la foi, avec l’humilité du cœur et de l’esprit. Dans ce sens, le Peuple de Dieu est un “magistère qui précède”, et qui doit être ensuite approfondi et accueilli intellectuellement par la théologie. Puissent les théologiens se placer toujours à l’écoute de cette source de la foi et conserver l’humilité et la simplicité des petits ! »
C’est ce qu’a fait le bienheureux Jean Duns Scot que nous fêtons aujourd’hui !
Guido-Maria Conforti est né le 30 mai 1865 en Italie à Casalora de Ravadese, dans la province de Parme. Ses parents, riches agriculteurs, Rinaldo Conforti et Antonia Adorni, ont 10 enfants. Guido-Maria est le huitième. Il fréquente l’école primaire des Frères des Écoles chrétiennes à Parme entre 1872 et 1876. Il sent l’appel au sacerdoce et entre au petit séminaire, malgré une certaine réticence de son père. Il a expliqué plus tard à de nombreuses reprises les origines de sa vocation. Enfant, quand il se rendait à l’école, il faisait halte dans l’église de la paix dans le Borgo delle Colonne. Là, il allait prier devant le crucifix :
Je le regardais, et Il me regardait, a-t-il expliqué, et j’avais l’impression qu’Il me disait plein de choses
Un deuxième événement va marquer toute sa vie. C’est la lecture à 14 ans de la vie de saint François-Xavier. Il est profondément impressionné et commence à se passionner pour la mission. Il veut évangéliser. À 17 ans, il entre au grand séminaire et les premiers symptômes de sa maladie se font jour. L’épilepsie pourrait être un obstacle à l’ordination sacerdotale, mais le recteur, le père Andrea Ferrari l’encourage et le soutient. Notons en passant qu’Andrea Ferrari sera nommé évêque de Milan et béatifié par Jean-Paul II le 10 mai 1987. C’est un saint qui a discerné en Guy-Marie l’étoffe d’un autre saint !
Guido-Maria Conforti est un élément exceptionnel. Il fait de brillantes études et est ordonné prêtre le 22 septembre 1888 pour le diocèse de Parme. Il a 23 ans. Mgr Ferrari le prend d’abord comme vice-recteur du séminaire, puis il est nommé chanoine de la cathédrale de Parme et finalement, seulement 5 ans après son ordination, en 1893, il est nommé vicaire général de son diocèse. Même s’il est complètement intégré dans la pastorale diocésaine, Guido-Maria Conforti n’oublie pas saint François-Xavier. Le 3 décembre 1895, en la fête de François-Xavier, il fonde un séminaire destiné à envoyer des jeunes prêtres en mission ad gentes, c’est-à-dire vers les peuples qui ne connaissent pas le Christ. C’est la Pia Societas Sancti Francisci Xaverii pro Exteris Missionibus, c’est-à-dire la Pieuse et Sainte Société Saint François Xavier pour les missions extérieures. Cet Institut-séminaire est officiellement reconnu en 1898 sous le nom de Congrégation de Saint François Xavier pour les Missions étrangères, et ses membres sont appelés xavériens.
Bientôt, deux jeunes recrues, les pères Caio Rastelli et Odoardo Mainini, se préparent à partir pour la Chine, le rêve du père Comboni : continuer la mission que François-Xavier a dû abandonner aux portes de la Chine.
La situation du père Comboni est délicate. Il est vicaire général d’un diocèse et il doit consacrer son énergie au service de ce diocèse. Comment justifier alors qu’il envoie aussi des prêtres au loin pour des missions qui n’ont rien à voir avec le diocèse de Parme ? À l’époque, les missions ad gentes ne sont pas vues en Italie comme des priorités pastorales, il y a déjà assez de travail dans les diocèses italiens.
Il voit la mission de l’Église tout entière et pas seulement celle de son petit diocèse.
Il semble que le pape Léon XIII veuille confirmer la vision de Conforti car en 1902, il le nomme évêque de Ravenne. Le jeune évêque n’a que 37 ans. Il prend comme devise épiscopale Caritas Christi urget nos, la charité du Christ nous presse. Mais sa maladie l’oblige à se retirer au bout d’un an. Entre temps, un des missionnaires xavériens est tué en Chine et l’autre obligé de rentrer au pays. Dure épreuve pour Mgr Conforti.
En 1907, il devient l’évêque de Parme après avoir été coadjuteur de son prédécesseur. Il brûle toujours du même zèle missionnaire. C’est lui qui ordonne en 1912 le premier évêque xavérien pour la Chine : c’est Mgr Luigi Calza, vicaire apostolique de Cheng-Chow.
En 1912 encore, Mgr Conforti se joint à un prêtre de Turin, don Giuseppe Allamano, fondateur des Missionnaires de la Consolata, pour lancer une campagne au sein de l’Église pour qu’elle redécouvre sa nature profondément missionnaire. L’évêque et le prêtre lancent un appel au pape qui sera à l’origine de l’institution par Pie XI de la Journée mondiale des missions.
Toujours poussé par son zèle, Mgr Conforti a une intuition qui va se répandre dans toute l’Église. Il comprend que les prêtres doivent être missionnaires partout où ils sont envoyés, dans leur paroisse en Italie comme dans les missions au loin. Nos pays de vieilles chrétientés ont eux aussi besoin d’être évangélisés. Il fonde alors en 1917 avec le père Manna l’Union Missionnaire du Clergé pour insuffler un nouveau zèle évangélisateur aux prêtres. Cette union va prendre tellement d’extension qu’elle va être intégrées aux Œuvres missionnaires pontificales sous le nom d’Union pontificale missionnaire.
Les prêtres sont importants pour la mission. Oui. Mais pas eux seulement. Mgr Conforti invite tous ses diocésains à être missionnaires :
Soyons tous des apôtres, car nous le pouvons et nous le devons tous, dans l'état et dans la condition dans laquelle la divine Providence nous a placés.
Comment devenir missionnaire ? Mgr Conforti n’hésite pas à livrer le secret du zèle qui l’habite depuis son enfance : « Le crucifix est le grand livre sur lequel se sont formés les saints… Tous les enseignements contenus dans le saint Évangile sont résumés dans le Crucifix. » Pour animer tous les baptisés, l’évêque visite toutes les paroisses au moins 5 fois et convoque 2 synodes diocésains. Il soutient les initiatives apostoliques comme l’Action Catholique, la JOC, les missions populaires, les congrès eucharistiques, la presse catholique, etc.
En 1921, la Congrégation Saint François Xavier pour les missions extérieures reçoit son approbation définitive et Mgr Guido Conforti en est nommé supérieur général. De septembre à décembre 1928, malgré sa santé fragile, il part en Chine pour visiter ses missionnaires dans le Honan occidental. Là, il n’hésite pas à visiter les lieux les plus reculés.
Mgr Guido Conforti meurt à Parme le 5 novembre 1931. Il a été un géant de la mission, même s’il n’est jamais parti au loin comme missionnaire. Il a été un précurseur. Il a compris, ce qui nous paraît aujourd’hui comme une évidence après les pontificats de Paul VI, Jean-Paul II et du pape François, que la nature de l’Église est missionnaire. Il aurait bu de petit lait en lisant l’exhortation apostolique de Paul VI Evangelii nuntiandi où le saint pape affirme ce que saint Guy-Marie Conforti a proclamé toute sa vie : §14
Nous voulons confirmer une fois de plus que la tâche d’évangéliser tous les hommes constitue la mission essentielle de l’Église… […] Évangéliser est, en effet, la grâce et la vocation propre de l’Église, son identité la plus profonde. Elle existe pour évangéliser, c’est-à-dire pour prêcher et enseigner, être le canal du don de la grâce, réconcilier les pécheurs avec Dieu, perpétuer le sacrifice du Christ dans la sainte messe, qui est le mémorial de sa mort et de sa résurrection glorieuse
Puissions-nous, à l’intercession de saint Guy-Marie Conforti, mettre en pratique son invitation pressante :
Soyons tous des apôtres, car nous le pouvons et nous le devons tous, dans l'état et dans la condition dans laquelle la divine Providence nous a placés
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