'Sa trajectoire, sa vie, sa fin me poursuivent depuis mon plus jeune âge.' Enfant, Jean-Luc Allouche a étudié la vie de Moïse au Talmud Torah à Constantine. 'J'ai toujours été frappé, saisi même, par sa fin misérable.' Au terme de son parcours après 40 ans dans le désert, Dieu lui fait contempler la terre promise mais ne lui permet pas d'y entrer. Certes il y a le 'mystère de la toute puissance divine' mais 'si quand même il y avait un personnage qui méritait la terre promise c'est bien lui !' Jean-Luc Allouche signe 'Le Roman de Moïse' (éd. Albin Michel).
Enfant sauvé des eaux, prince à la cour de Pharaon, prophète, guide du peuple hébreu vers la Terre promise... Le destin de Moïse est fait d'aventure, de mystère et d'intrigues. Quoi de plus tentant pour un écrivain que d'en faire un roman ? D'ailleurs les plus grands artistes et penseurs se sont emparés du personnage, de Michel-Ange à Arnold Schönberg, en passant par Freud. Après eux, s'attaquer à Moïse est nécessairement un défi. 'Et rétrospectivement, je m'aperçois de mon audace sinon de mon inconscience', confie Jean-Luc Allouche.
Sur la vie de Moïse, on a peu d'éléments véritablement fiables et historiques. 'Je ne suis pas entré dans les querelles historiques, prévient Jean-Luc Allouche, ce qui m'a fasciné dans son personnage c'est qu'il laissait la porte ouverte à l'imaginaire.' Plutôt que dans les précis d'histoire, c'est dans 'l'énorme corpus du midrash' - cet ensemble de commentaires de la Bible hébraïque - que le romancier est allé puiser.
'Le midrash, c'est le récit, le commentaire, la recherche, la glose, l'exégèse... bref le roman. Parce que qu'est-ce c'est qu'un roman sinon la porte ouverte à toutes les libertés d'interprétation, de présentation et de décor?' Dans la tradition hébraïque, si 'le récit de la Bible est concis', le midrash, lui, 'permet toutes les extrapolations, toutes les licences poétiques, littéraires, autres'.
'La réalité n'est jamais aussi schématique qu'on peut le penser.' Et si la Bible donne 'une image brute voire brutale' des quatre siècles d'esclavage en Égypte, 'certes ce dut être épouvantable, admet Jean-Luc Allouche, mais en même temps les hommes sont des hommes, les voisins sont des voisins, dans les cours des enfants jouent seraient-ils de familles opposées voire ennemies...'
Le roman de Jean-Luc Allouche fait la part belle au vécu, à l'expérience. Puisant dans des situations contemporaines, par exemple celle des immigrés en France, il observe que 'malgré les heurts, les difficultés, les incompréhensions, il ya des osmoses qui se créent'. Ainsi à Constantine, colonie française où lui-même a grandi, 'il y avait des fraternités, des heurts, des violences et des accalmies quotidiennes'. Pour les Hébreux, 'la libération n'a pas été un long fleuve tranquille', il y a certainement eu 'des arrachements'. 'Les Hébreux dans le désert avaient forcément la nostalgie de cette vie en Égypte.'
Éducateur, éditeur, journaliste, traducteur, Jean-Luc Allouche a été pendant quatre ans correspondant à Jérusalem pour le journal Libération. Il est l'auteur de 'Les Jours redoutables - Israël-Palestine : la paix dans mille ans' (éd. Denoël, 2010).
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