Esclave devenue religieuse, Joséphine Bakhita est fêtée le 8 février. Elle a été canonisée en 2000 par le pape Jean-Paul II. C'est l'écrivaine Véronique Olmi qui a largement contribué à la faire connaître en France, avec son livre "Bakhita", en 2017.
"Ce parcours de femme, cette force, cette personnalité, cette aura... Ça m'a envahit." Pourtant c'est un peu par hasard que Véronique Olmi a découvert Bakhita. De retour du marché à Langeais (Indre-et-Loire), elle est entrée dans l'église de la paroisse Sainte Joséphine Bakhita. Quand elle est ressortie, "[sa] vie avait changé" et elle a aussitôt délaissé le roman qu'elle écrivait pour se consacrer à la sainte. Après quatre réécritures, elle publie "Bakhita" (éd. Albin Michel) en 2017. La biographie littéraire d’un personnage mystérieux.
Sa vie, même une romancière n’oserait imaginer. Joséphine Bakhita (1869-1947) est née au Darfour. À l'âge de 7 ans, elle a été enlevée, puis achetée et revendue plusieurs fois par des négriers musulmans. Elle a 14 ans quand son maître devient le consul italien de Khartoum (la capitale du Soudan). Il l'envoie en Italie, pour y être domestique puis nourrice. Entrée dans l'ordre des Filles de la Charité canossiennes, elle se consacre au service des plus pauvres.
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Elle meurt à 78 ans, en 1947, Jean-Paul II la canonise en 2000. Au cours du XXe siècle s'est développée en Italie toute une imagerie autour de son histoire. L'Italie catholique de l'époque en a fait la figure du petit esclave noir sauvé par un Blanc catholique.
"Pour qu'une histoire soit merveilleuse, il faut que le début soit terrible bien sûr, mais que le malheur reste acceptable et que personne n'en sorte salit, ni celle qui raconte ni ceux qui écoutent", écrit Véronique Olmi. Avec "Bakhita", elle livre le fruit d'un travail "autant littéraire qu'humain". Difficile de rester indifférent au parcours de cette enfant soudanaise réduite à l'esclavage à 7 ans, et qui ne s'est jamais souvenue de sa vie d'avant. Pas même de son prénom.
Écrire sur Joséphine Bakhita c'est se pencher sur le destin d'une petite qui fille qui a marché 800 km sur le sable et les pierres brûlantes, qui a assisté à des scènes atroces, qui a été chosifiée en devenant esclave. Il y a eu "beaucoup de larmes versées en écrivant, confie Véronique Olmi, non pas de l'attendrissement mais un accompagnement." Impossible de ne pas penser à toutes celles et ceux qui encore aujourd'hui, que ce soit en Afrique ou en Asie, et même en Europe, sont réduits à l'esclavage.
Le mystère Bakhita
Malgré cette vie très rude, Joséphine Bakhita n'a cédé ni à la violence ni à l'aigreur. Et c'est probablement ce qui en fait "une femme très étonnante". D'ailleurs, à chaque fois qu'elle croyait l'approcher, la romancière, la personnalité de Bakhita lui échappait. C'est déjà "une force de vie inimaginable", ensuite un parcours de résistance exceptionnel. Tout autre à sa place aurait pu céder à "l'aigreur, la méchanceté ou la folie". "Il y a des êtres plus forts, plus intelligents, plus lumineux que d'autres." Véronique Olmi suppose également chez Joséphine Bakhita un "amour immense" reçu "de ses parents, et de sa jumelle".
Approcher ce type de personnalité c'est ne laisser de côté aucun aspect, fussent-ils contradictoires. Bakhita, nous dit Véronique Olmi, "n'a jamais été apaisée". Elle vivait une "lutte intérieure constante", dans une "insoumission permanente". Et l'écrivain de confier une "culpabilité" à l'idée de "[s'emparer] de son mystère" et "une peur de la trahir". Ce qu'elle livre n'est pas une biographie d'historien, mais "la réflexion de Bakhita". Celle d'une "lumière que tous ceux qui l'ont approchée ont ressentie". Et la réflexion qu'elle nourrit chez nous au XXIe siècle.
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