Dans l'Évangile, il y a les personnages célèbres - Simon Pierre, Jean le Baptiste, Marie de Nazareth, Pilate - et puis il y a les autres. Ceux et celles qui ne sont pas dans la lumière directe des projecteurs : les bergers de la Nativité, des gamins sur les places, des brancardiers, la femme de Pilate, un porteur de cruche... Ceux que le dominicain Philippe Verdin nomment les "vermisseaux" et qui sont "tous les petits, ceux qu'on bouscule", ceux dont "on ne tient jamais compte dans l'histoire de l'humanité". Et qui pourtant peuvent nous évangéliser en profondeur. Le dominicain nous les présente dans son livre "Vermisseaux de l'évangile - Ces minuscules personnages qui nous enseignent la simplissime sainteté" (éd. de la Licorne).
"Ne crains pas, Jacob, pauvre vermisseau, Israël, pauvre mortel. Je viens à ton aide – oracle du Seigneur ; ton rédempteur, c’est le Saint d’Israël." (Is 41, 14). Dans la Bible, le peuple d'Israël fait un peu figure de "vermisseau" : "c'est ce peuple tout petit, oublié des grandes histoires du monde - l'empire de Chine, de Babylone, de l'Égypte, de Rome et de la Grèce - c'est celui-là que Dieu a choisi pour faire naître son fils", rappelle Philippe Verdin.
Dans les Évangiles il y a une foule de petits personnages, dont "parfois on ne sait même pas le nom". Parfois même ils ne sont mentionnés que pour un simple geste qu'ils ont fait. Pourquoi donc les évangélistes en parlent "alors qu'on a l'impression qu'ils ne jouent pas un rôle" ? Si le dominicain a décidé de leur consacrer un ouvrage, c'est parce que "la foi nous dit que tout ce qui est écrit dans l'Évangile porte un enseignement pour nous". Ainsi, ces personnes "ont eu" elles aussi "leur rôle dans le salut du monde comme minuscules coopérateurs de Jésus".
"La leçon la plus profonde que nous donne le Seigneur c'est que ce sont les petits qui sauvent le monde." Dans l'Évangile, Jésus aime être entouré des humbles. Il déclare "Si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le royaume des Cieux" (Mt 18, 3). Lors de sa Passion, Jésus, humilié, blessé, va incarner cette petitesse. "Et au moment même où il n'est plus rien, c'est à ce moment-là qu'il sauve le monde."
Au temps de Jésus les bergers sont particulièrement exclus de la société : ils sont pauvres et côtoient des bêtes, condamnés à errer, ils vivent hors de la cité. Et aussi, "ils ne peuvent pas pratiquer les innombrables rites de purification".
Les bergers sont pourtant ceux que le Seigneur se révèle : signe que "Jésus veut naître au milieu des petits : ceux qui ont tout à recevoir et n'ont rien à proposer, ceux qui n'ont rien à perdre". Tout se passe comme s'il fallait être creux, vidé de soi-même pour entendre une nouvelle, recevoir la joie.
Il y a là "un très grand thème de la tradition spirituelle chrétienne", explique Philippe Verdin : "Les gens qui sont gavés, les gens qui sont repus, pas simplement de nourriture ou d'argent, mais qui sont sûrs d'eux, n'ont rien à attendre d'eux et ne sont pas prêts à partir à l'aventure." Comme le dit Hannah Arendt, pourtant juive, le génie du christianisme est que Dieu est venu sous la forme d'un enfant.
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