"Ce que j’ai écrit, je l’ai d’abord pensé, ce que j’ai pensé je l’ai d’abord vécu." Marcel Légaut (1900-1990) restera l’une des grandes figures spirituelles du XXe siècle. À 40 ans, ce professeur de mathématiques à l’université a décidé d'être berger dans le Haut-Diois. Un retour à la terre guidée par une quête spirituelle profonde et l'envie d'affronter le réel de la condition humaine. Le Père Dominique Barnérias a consacré un ouvrage à ce véritable défricheur des profondeurs de l’humain qui fut un éveilleur spirituel pour de nombreuses générations. Il est l'auteur de "Prier 15 jours avec Marcel Légaut - Éveilleur spirituel" (éd. Nouvelle Cité).
Né à Paris en 1900 dans une famille de la bourgeoisie parisienne, le jeune Marcel Légaut a manifesté très tôt "un éveil spirituel", son adolescence a même été marquée par un désir de devenir prêtre. Encouragé dans cette voie par sa mère, il a toutefois suivi les conseils de son père, qui voulait le voir devenir mathématicien. Marcel Légaut fut un brillant élève de l'École normale supérieure, agrégé puis professeur à l'université. Mais sa quête d'intériorité ne l'a pas quitté.
En 1933 Marcel Légaut publie le fruit des méditations de l'Évangile menée par un petit groupe de laïcs auquel il appartient, au sein du milieu des enseignants chrétiens de l'enseignement public. C'est assez rare à l'époque qu'un laïc prenne la plume sur un tel sujet. On est bien avant Vatican II (1962-1965) mais déjà il est question de méditer l'Évangile sans nécessairement le soutien d'un prêtre. "On sort d'une vision descendante où il faut simplement écouter uniquement ce que dit le prêtre, ce qui était le cas de beaucoup de catholiques à l'époque, pour dire que chaque chrétien a à se saisir de la parole et à lui donner chair."
Un premier livre à 33 ans, mais il faudra attendre la fin des années 60 pour voir la pensée de Marcel Légaut arriver à maturité. Avec "Introduction à l'intelligence du passé et de l'avenir du christianisme" (éd. Aubier, 1970) et "L'homme à la recherche de son humanité" (1971), "il développe sa pensée sur ce que c'est qu'être humain dans le monde moderne et ce que c'est qu'être chrétien et comment comprendre l'histoire du christianisme jusqu'à aujourd'"hui", comme l'explique le P. Barnérias. Entre temps, un événement aura marqué sa vie : la guerre.
En 1940, pendant la "drôle de guerre" il est en position de commandement d'un bataillon d'artillerie. Non seulement il se rend compte qu'il ne sait pas commander mais il découvre aussi "la carence de son humanité". Une prise de conscience, un choc. "Il découvre en fait qu'il n'est pas un homme, qu'il est resté un intellectuel, que d'une certaine manière il n'a pas vraiment appris ce que c'est que se confronter à la réalité humaine." Et qu'en situation de guerre, l'enjeu n'est plus qu'intellectuel : "face au danger et aux réalités ultimes de la vie, il se rend compte de ce manque intérieur". Dès lors "il cherche un roc plus solide pour sa vie humaine".
C'est en pleine campagne que sa quête le mène. Et c'est auprès des paysans du Haut-Diois qu'il trouvera de quoi se confronter aux réalités de la condition humaine. Rien à voir avec un retour à la terre pré-soixante-huitard, prévient le Père Barnérias. Pendant 20 ans, Marcel Légaut sera berger, guidé par une recherche spirituelle qui le pousse à vouloir sans cesse "s'affronter à ce qui nous fait vraiment humain". Ce que l'on n'apprend pas dans les livres, il le découvrira "dans l'affrontement aux réalités du monde et de la nature en particulier". Par exemple en travaillant la terre. "Il dit qu'il a beaucoup plus à apprendre de la sagesse des paysans, c'est eux qui savent." Avec Marguerite Rossignol, sa femme, ils auront six enfants.
De nombreuses personnes viennent jusqu'à son hameau isolé de la commune de Lesches-en-Diois. À mesure qu'il publie ses livres, Marcel Légaut donne aussi de plus en plus de conférences. La pensée de celui qui aura été toute sa vie un chercheur - en mathématiques et en théologie - est marquée par une grande authenticité dans sa quête spirituelle et une profonde exigence intellectuelle. Il restera fidèle à l'enseignement du Père Fernand Portal (1855-1926), prêtre lazariste aumônier officieux de l'École normale, "un homme qui l'a initié au fait de croire avec son intelligence et donc d'engager toute son humanité dans sa foi, ce qui l'a beaucoup marqué et nourri".
*Plus de citations de Marcel Légaut sur le site de L’Association Culturelle Marcel Légaut
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