Temps fort dans le diocèse de Vannes. Dimanche, de nombreux fidèles ont assisté à l'ouverture du Jubilé qui célèbrera en 2025 les 400 ans des apparitions de Sainte-Anne à Yvon Nicolazic. A cette occasion Mgr Centène, évêque de Vannes a adressé aux diocésains une lettre pastorale.
"L'année 2025 marquera le terme des trois années jubilaires que nous avons voulu vivre pour marquer le quatrième centenaire des apparitions de sainte Anne à Yvon Nicolazic, au hameau de Keranna.
Ces manifestations et apparitions de la mère de Marie se sont en effet déroulées sur trois ans, du mois d'août 1623 au 7 mars 1625, jour qui sera marqué par la découverte de la statue et le début du pèlerinage. La première messe a été célébrée sur le site le 26 juillet 1625. Le grand pardon du 26 juillet 2025 revêtira donc une importance toute particulière.
Au cours de nos trois années jubilaires, et suivant les paroles d'un vieux cantique bien connu dédié à sainte Anne : « Sainte Anne mère de Marie, conduis-nous à Jésus », nous aurons eu à cœur d'honorer, d'une manière progressive et successivement, sainte Anne, la Vierge Marie et Jésus qui est le sommet de notre humanité, le point de rencontre entre Dieu et l'homme.
Nous avons uni à chacune de ces trois personnes une des trois vertus théologales, prenant sainte Anne comme modèle de la vertu d'espérance, Marie comme modèle de la vertu de foi, Jésus comme modèle de la vertu de charité. C'est donc une marche ascendante que nous avons réalisée, qui nous conduit à contempler maintenant Jésus « qui est à l'origine et au terme de notre foi » (Hébreux 12, 2). À travers la figure de Jésus, nous rejoignons tout naturellement le Grand Jubilé de l'Église universelle, qui célèbre tous les 25 ans, dans la joie, l'anniversaire de sa naissance, dans l'attente de son retour. Notre démarche prend donc cette année une dimension universelle, nous nous unissons à toute l'Église qui fête la venue de son Sauveur. Jésus est d'ailleurs au centre des apparitions de sainte Anne et c'est ce qui fait toute l'actualité du message qui est transmis ici depuis le XVIIe siècle car « JésusChrist, hier et aujourd'hui, est le même, il l'est pour l'éternité » (Hébreux 13, 8).
Le message que nous délivre sainte Anne est composé de quelques signes et de peu de paroles, qui s'éclairent et se complètent mutuellement pour faire un tout cohérent tourné vers l'évangélisation et porteur d'une grande fécondité.
La lumière du flambeau
Le premier signe est celui du flambeau, de la lumière, qui vient briller dans l'obscurité pour faire reculer les ténèbres. Depuis les temps les plus anciens, l'opposition de la lumière et des ténèbres a fasciné les hommes. Les ténèbres étaient associées aux forces du mal et de la mort ; la lumière, quant à elle, était le symbole de la connaissance, de la fête, de la joie et de la vie. Jésus dans l'évangile de saint Jean reprend cette image en lui donnant un sens nouveau : « Moi, je suis la Lumière du monde ; celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres, il aura la lumière de la vie » (Jean 8, 12). Sans lumière il n'y a pas de vie. Nous voyons dès le premier chapitre du livre de la Genèse que l'apparition de la lumière précède tout le reste de l'œuvre de la création : « Dieu dit : "que la lumière soit" ; et la lumière fut » (Genèse 1, 3). Participant à l'énergie et à la force du feu, le flambeau est un symbole de vie. Chrétiens, nous participons à la lumière du Christ. Dans l'évangile de saint Mathieu, Jésus dit à ceux qui l'écoutent : « Vous êtes la lumière du monde » (Matthieu 5, 14). L'apôtre Paul insiste sur ce point en rappelant aux chrétiens : « Autrefois, vous étiez ténèbres ; maintenant, dans le Seigneur, vous êtes lumière » (Éphésiens 5, 8).
La lumière du flambeau de sainte Anne brille dans la maison d'Yvon Nicolazic, au cœur d'une famille malheureusement réduite puisqu’Yvon et Guillemette n'ont pas eu la grâce de transmettre la vie. Leur situation est assez semblable à celle du foyer d'Anne et de Joachim où la fécondité n’est arrivée qu'après une longue espérance. Le Seigneur ne se présente pas à nous avec tout l'appareil de sa force et de sa puissance, il nous envoie des messagers qui nous ressemblent, et qui donc peuvent nous servir de modèle et d’exemple. « En effet, écrit l'auteur de la lettre aux Hébreux, nous n'avons pas un grand prêtre incapable de compatir à nos faiblesses, mais un grand prêtre éprouvé en toute chose, à notre ressemblance, excepté le péché » (Hébreux 4, 15) : c'est dans cette logique que le Fils de Dieu a voulu entrer dans notre humanité par l'intermédiaire d'une famille humaine semblable à nos familles, éprouvée comme peuvent l'être nos familles, mais une famille qui a su persévérer et surmonter les difficultés dans l’espérance.
L’eau de la fontaine
Le deuxième signe donné par sainte Anne à Keranna est le signe de la fontaine. Comme le flambeau, la fontaine et son eau ont une forte signification aussi bien anthropologique que religieuse. C'est l'eau primordiale qui couvrait tout et sur laquelle planait le souffle de Dieu. C'est l'eau du déluge qui purifie. C'est l'eau de la mer Rouge dont la traversée sauve. C'est l'eau qui sort du côté droit du temple pour tout vivifier sur son passage et pour tout assainir jusqu'à la mer Morte. C'est l'eau qui sort du côté transpercé de Jésus mêlée à son sang. C'est l'eau du baptême par laquelle nous sommes associés à la mort de Jésus pour participer à sa résurrection et avoir part à l'adoption filiale pour la vie éternelle.
Le livre de la Parole de Dieu
Le signe du livre n'est pas directement lié aux apparitions elles-mêmes, Yvon Nicolazic d'ailleurs ne savait pas lire. Pourtant, les iconographes et les sculpteurs qui ont représenté sainte Anne la montrent souvent avec un livre qu'elle donne à Marie, dans lequel elle lui apprend à lire. C'est bien évidemment le livre de la Parole de Dieu que la dernière génération de la première alliance transmet à l'Église naissante, image de la transmission — depuis les racines jusqu'au feuillage verdissant. C'est aussi l'image du savoir qui doit s'accroître, du développement de l'instruction au sein des familles, de génération en génération. Yvon Nicolazic ne savait pas lire, son fils Sylvestre sera prêtre, donc lettré. L'image d'Anne apprenant à lire à Marie n’est peut-être pas étrangère aux efforts des nombreuses congrégations de religieuses enseignantes qui se sont développées en Bretagne depuis le XVIIe siècle et qui sont allées porter le flambeau de l'instruction jusque dans les campagnes les plus reculées, développant ainsi un réseau d'écoles qui ont contribué à l'éducation des jeunes filles qui était si souvent négligée à cette époque. Ce souci de l’instruction non seulement des garçons mais aussi des filles animait particulièrement Gabriel Deshayes, en ce début du XIXe siècle qui l’avait vu nommé curé de Saint-Gildas d’Auray ; en plus d’avoir racheté l’ensemble du domaine de Sainte-Anne, saisi à la Révolution, lui, qui s’était dépensé dans un grand nombre d’œuvres sociales, avait aussi participé à la fondation de congrégations enseignantes tant auprès des filles que des garçons. La lumière de l’instruction se répandait en même temps que la lumière de la foi.
Second aspect : les paroles et leurs significations
Les paroles de sainte Anne viennent éclairer les signes en même temps qu'elles s'appuient sur eux pour nous ouvrir à l'espérance. Le 25 juillet 1624, la belle Dame qui apparaît à Nicolazic dira son nom et fera une demande en se réclamant de l'autorité de Dieu : « Me zo Anna mamm Marie. Je suis Anne mère de Marie. Dites à votre recteur que dans la pièce de terre appelée le Bocenno, il y a eu autrefois, avant même qu'il y eût aucun village, une chapelle dédiée à mon nom. C'était la première dans tout le pays. Il y a 924 ans et 6 mois qu'elle est ruinée. Je désire qu'elle soit rebâtie au plus tôt et que vous en preniez soin parce que Dieu veut que j'y sois honorée. »
Édifier l’Église, Corps du Christ et Temple de l’Esprit
L'expérience d'Yvon Nicolazic rejoint celle de saint François d'Assise quelques siècles plus tôt. Devant le crucifix de la chapelle Saint-Damien, François, lui aussi, avait entendu ces paroles exprimant la demande du Seigneur de rebâtir son Église. Il commença à réparer la vieille chapelle délabrée puis d'autres restaurations suivirent. Le jeune homme retrousse ses manches, il cherche par lui-même des pierres et du bois et il se met à l'œuvre. C'est peut-être ce premier pas, ce premier don de lui-même qui le rend disponible pour entendre l’appel plus profond à prendre part au renouvellement de la vie de l'Église de son temps. Nicolazic fait de même. Le paysan se fait bâtisseur, il dirige lui-même les travaux, conduit les charrois de pierres, de bois et d'ardoises. Il finance les travaux avec probité à partir des sommes qu'il reçoit, sainte Anne lui ayant promis qu'elle lui donnerait de quoi débuter.
Mais, tout comme saint François, Nicolazic ne se contente pas de construire une église de pierres inanimées. Nos temples de la terre ne sont que des images du véritable temple qui est Jésus : « Détruisez ce sanctuaire, et en trois jours je le relèverai » (Jean 2, 19), « mais lui parlait du Sanctuaire de son Corps » (Jean 2, 21). De ce Corps nous sommes les membres, comme de ce Sanctuaire nous sommes les pierres vivantes. L'Église, c'est la communauté chrétienne et, de fait, c'est sainte Anne elle même qui conduit Nicolazic à cette perception des choses. Elle ne laisse pas le voyant agir seul, et par trois fois au moins, elle le renvoie vers la communauté. D'abord vers le recteur : « allez dire à votre recteur ». Face aux difficultés que rencontre Nicolazic, elle lui recommande : « conférez avec quelques hommes de bien pour savoir comment vous y prendre ». Enfin, dans la nuit du 7 mars 1625, sa chambre étant illuminée par la présence du flambeau, elle lui dit : « Yvon Nicolazic, appelez vos voisins ». C'est donc avec tout un groupe d'hommes, Louis Le Roux, Jacques Lucas, François Le Bloënec, Jean Tanguy et Julien Lezulit, qu’il se met en marche en suivant le flambeau qui les guide jusqu'au lieu où ils découvriront l’antique statue de sainte Anne, qui accréditera définitivement la réalité des apparitions et le bienfondé de la demande de sainte Anne de reconstruire la chapelle depuis si longtemps disparue.
Par l’Esprit Saint, dans la charité, prendre soin des membres du Corps du Christ
Même si Nicolazic bénéficie d'un lien privilégié avec le Ciel, ce qu'il vit il le vit en Église, une Église faite de pierres vivantes, une Église qui est communauté, une Église composée de personnes différentes dans l'unité desquelles il faut vivre et œuvrer. Cette Église n'est pas composée de pierres parfaites. Elle n'est pas composée seulement de pierres bien taillées ni de belles voussures finement ciselées. Il y a aussi des pierres lourdes, des pierres enfouies dans les fondements de cryptes obscures, dans les soubassements, des pierres qui sont foulées au pied et tant de pierres tellement insignifiantes qu'on ne les regarde jamais. Chacune de ces pierres a mystérieusement sa place et son utilité et chacune est appelée à faire partie de ce tout qu'est l’Église. Georges Bernanos aimait à dire : « Si l'Église était faite uniquement de gens parfaits, j'aurais l'impression de ne pas y être ». C'est cette Église une et diverse que nous sommes invités à construire.
L'Église ne peut se rebâtir que dans la fraternité. Elle est, nous dit le Concile Vatican II, « à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain » (Lumen Gentium 1). Elle est faite pour la communion, l'unité ! Nous devons renoncer à jalouser, à épier, à traquer ce qui rend l'autre différent de nous. Nous devons apprendre à entendre les avis différents du nôtre, à exposer le nôtre sans colère, sans raideur et à chercher ensemble, non à avoir raison, mais à servir d’un même cœur malgré nos différences. Le Synode sur la synodalité nous invite à en prendre toujours mieux conscience, à compter les uns sur les autres et à nous écouter mutuellement. L’apôtre Paul écrivait déjà : « Aucune parole mauvaise ne doit sortir de votre bouche ; mais, s’il en est besoin, que ce soit une parole bonne et constructive, profitable à ceux qui vous écoutent. N’attristez pas le Saint Esprit de Dieu, qui vous a marqués de son sceau en vue du jour de votre délivrance. » (Éphésiens 4, 29-30). Du Saint-Esprit, Esprit du Père et du Fils, Esprit d’amour, on dit qu’il est l’âme de l’Église, Corps du Christ. « Ainsi le Corps se construit dans l’amour » ajoute encore saint Paul (Éphésiens 4, 16).
C'est de cette Église, Temple du Saint-Esprit, dont nous sommes les pierres vivantes. Ce qui unit ces pierres, ce n'est pas la valeur de leurs qualités, c'est le ciment du Christ. C'est parce que ces pierres sont en dialogue que l'édifice existe. Chaque baptisé est une pierre vivante avec son rôle singulier à jouer. Ce rôle peut être petit ou grand, la dignité de chaque baptisé est la même et chaque baptisé est essentiel, ne serait-ce que pour nous rappeler que Dieu est présent dans la fragilité. De fait, dans un passage bien connu de l’évangile selon saint Matthieu, Jésus affirme s’identifier lui-même à ces membres les plus fragiles de notre humanité : « Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire… Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait » (Matthieu 25, 42.45).
C’est précisément dans ce sens que nous devons comprendre les mots de sainte Anne : après avoir demandé à Nicolazic de rebâtir la chapelle — « Je désire qu'elle soit rebâtie au plus tôt » —, elle ajoute : « et que vous en preniez soin parce que Dieu veut que j'y sois honorée ». Il faut bien sûr prendre soin du bâtiment reconstruit, mais aussi et d’abord prendre soin de l’Église relevée, c’est-à-dire prendre soin de chacune des pierres vivantes qui la constituent, de chaque membre du Corps du Christ, prendre soin de notre prochain, spécialement s’il est fragile.
Dans une homélie sur l’évangile de saint Matthieu, commentant le passage que l’on vient de citer, saint Jean Chrysostome, évêque de Constantinople à la fin du IVe siècle, réagissait ainsi : « Veux-tu honorer le Corps du Christ ? Ne commence pas par le mépriser quand il est nu. Ne l’honore pas ici avec des étoffes de soie, pour le négliger dehors où il souffre du froid et de la nudité. Car celui qui a dit : Ceci est mon corps, est le même qui a dit : Vous m’avez vu affamé et vous ne m’avez pas nourri. Quelle utilité à ce que la table du Christ soit chargée de coupes d’or, quand il meurt de faim ? Rassasie d’abord l’affamé et orne ensuite sa table. Tu fabriques une coupe d’or et tu ne donnes pas une coupe d’eau. En ornant sa maison, veille à ne pas mépriser ton frère affligé : car ce temple-ci est plus précieux que celui-là… »
C’est ce qu’avait parfaitement compris l’ancien bandit Pierre Le Gouvello de Kériolet, converti et devenu prêtre : ce contemporain et voisin de Nicolazic n’hésitait pas à porter sur son dos les plus malades et les plus pauvres pour les conduire dans sa propre demeure à Pluvigner, transformée en hospice, où il prenait soin d’eux.
Avec une espérance affermie par Dieu, faire connaître et aimer Jésus
Enfin, la meilleure manière de rebâtir l'Église serait sans doute de lui rendre le dynamisme missionnaire que le Seigneur lui a donné le jour de la Pentecôte. L'Église ne s’édifie pas quand elle se regarde elle-même, mais quand elle fait connaître Jésus et propose de l'aimer. « Elle existe pour évangéliser » écrivait saint Paul VI dans Evangelii nuntiandi.
« Il y a 924 ans et 6 mois qu'elle est ruinée ». À quel sommet d'espérance cela ne nous conduit-il pas ? Le plan de Dieu ne peut pas échouer. Après 924 ans et 6 mois, la chapelle sera rebâtie. Face à la sécularisation actuelle, nous pouvons parfois nous sentir démunis, penser que le christianisme a fait son temps. Le nombre des baptêmes d'enfants baisse depuis plusieurs générations, comme si cela était inéluctable. Les références à la culture chrétienne, qui a été pendant si longtemps le ciment de notre société, s'effacent progressivement de l'espace public. Cela peut parfois nous donner le vertige, mais, par ailleurs, le nombre des catéchumènes augmente tous les ans et donne corps à notre espérance. De même que le temple de Jérusalem a été reconstruit après l'Exil, la chapelle de Keranna a été rebâtie et elle le sera une fois encore après la Révolution, nous rappelant que le dessein de Dieu se déploie dans l'histoire des hommes, à travers les soubresauts de cette histoire, mais sans rien perdre de sa force. Que ce soit pour nous une raison d'espérer lorsque nous sommes tentés de nous laisser abattre.
Accomplir avec foi la volonté de Dieu le Père
« Dieu veut que je sois honorée ici ». La volonté de Dieu apparaît ici comme la raison déterminante qui doit mettre Yvon Nicolazic à l'œuvre, l'argument sans conteste qui écartera tous les obstacles. Notre monde marqué par l'individualisme et l'autonomie de la volonté du sujet a oublié le caractère transcendant de la volonté divine. Puisque c'est Dieu qui le veut, tout va se réaliser comme il le prévoit. Ce qui est à Dieu retourne à Dieu, comme les pierres de la grange de Nicolazic, qui avaient été prélevées sur les ruines de la chapelle, vont brûler alors que le foin qui est dans la grange va rester intact.
La volonté de Dieu et sa réalisation sont constamment présentes dans la Bible, et chaque jour, dans la prière, nous demandons qu'elle se réalise « sur la terre comme au ciel ». L'idée qu'une volonté différente de la nôtre puisse s'imposer à nous est une perspective que nous avons parfois du mal à accepter et la troisième demande du Notre Père fait souvent l'objet de contresens. Que de fois ne nous arrive-t-il pas de la prononcer avec les accents d'une certaine résignation, voire avec un certain fatalisme face au malheur, à la détresse ou à l’injustice ? "Il faut accepter la volonté de Dieu". C'est aussi parfois un moyen de se consoler ou de consoler les autres. Mais la volonté de Dieu ne réside ni dans les malheurs ni dans les désastres et moins encore dans les injustices. Dire dans ces situations que c'est la volonté de Dieu qui s'accomplit n'est pas une prière mais un blasphème. Saint Paul écrit dans la première lettre à Timothée : « La volonté de Dieu notre Père, c'est que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Timothée 2, 3-4). Dans l'évangile de saint Jean, Jésus affirme : « Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté, mais la volonté de Celui qui m’a envoyé. Or, telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour. Telle est la volonté de mon Père : que celui qui voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jean 6, 38-40).
Ainsi, appeler de nos vœux la volonté de Dieu, demander qu'elle s'impose de façon universelle « sur la terre comme au ciel », c'est souhaiter que son dessein d'amour s'accomplisse sur la terre et dans notre cœur, comme il s'accomplit déjà dans le ciel. Il n'en demeure pas moins que nous devons parfois dépasser notre volonté propre pour la conformer à la volonté divine mais en sachant toujours que c'est pour un bien supérieur, plus épanouissant, plus conforme à notre nature profonde d'enfants de Dieu. La volonté de Dieu nous est aussi nécessaire que l'air que nous respirons et nous pouvons dire avec Jésus : « Ma nourriture, c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé et d’accomplir son œuvre » (Jean 4, 34).
En cette année 2025, nous célébrons aussi le 1700e anniversaire du premier concile de Nicée, qui, face à l'hérésie d’Arius qui niait la divinité du Christ, en qui il ne voyait que la première des créatures, a défini la consubstantialité du Fils au Père. Il affirme ainsi sans équivoque que le Christ est Dieu. Jésus-Christ est de manière indissociable vrai Dieu et vrai homme. Lui, le Fils de Dieu, qui est engendré, non pas créé, consubstantiel au Père, s'est fait homme pour nous les hommes et pour notre salut. Il s'est fait homme, notre frère, sans cesser d'être Dieu. Le Verbe s'est fait chair pour nous sauver en nous réconciliant avec Dieu. Le Verbe s'est fait chair pour que nous connaissions l'amour de Dieu. « Voici comment l’amour de Dieu s’est manifesté parmi nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui » (1 Jean 4, 9). Le Verbe s'est fait chair « pour nous rendre participants de la nature divine » (2 Pierre 1, 4).
Ici, à Sainte-Anne-d’Auray, nous célébrons la famille humaine du Christ, la famille qui lui a transmis son humanité, cette humanité dont Dieu a voulu se servir pour nous sauver. « L'humanité du Christ fait notre bonheur » écrira saint Thomas d'Aquin au début de la partie de la Somme théologique dans laquelle il parle de Jésus. Vénérer sainte Anne, c'est, d'une certaine manière, vouloir entrer dans la famille humaine du Christ, contempler son humanité pour mieux lui ressembler, ressembler à Jésus, modèle de charité. C'est ce qu'a fait Yvon Nicolazic. Se mettre à l'école de sa bonne patronne a contribué à faire de lui un homme droit, dévoué à son prochain, charitable, un homme qui faisait l'unanimité par son esprit pacifié. C'est lui que l'on allait chercher quand les jalousies ou les rivalités faisaient naître des discordes et qu'il fallait remettre la paix dans les familles ou dans le voisinage. « Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu » (Matthieu 5, 9). Homme au cœur simple, il n'avait jamais voulu apprendre le français et ne parlait que le breton, pour « demeurer toujours, disait-il, dans la simplicité ». « Heureux les pauvres de cœur car le Royaume des cieux est à eux » (Matthieu 5, 3). Homme pieux, il disait tous les jours son chapelet, se confessait souvent et communiait avec une fréquence qui n'était pas commune à l'époque, manifestant ainsi une grande familiarité avec les choses de Dieu.
Nous pouvons, nous aussi, entrer dans la famille de Jésus et imiter son humanité. Ce n'est pas une famille fermée sur elle-même. Lorsque la mère et les frères de Jésus le cherchent et qu'ils le font appeler, il fait cette réflexion : "Qui est ma mère ? qui sont mes frères ?" Et « parcourant du regard ceux qui étaient assis en cercle autour de lui, il dit : "Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère." » (Marc 3, 33-35).
La dévotion à sainte Anne nous place donc au cœur de la foi et de l'agir chrétien, et c'est ce qui fait depuis désormais 400 ans sa fécondité, cette fécondité qui avait été promise par sainte Anne : « L'affluence du monde qui me viendra en ce lieu sera le plus grand miracle de tous ». Depuis quatre siècles, cette affluence ne s'est pas démentie, que cette année jubilaire la voit se confirmer !
Venons à Sainte-Anne en famille puisque c'est la famille de Jésus qui nous y invite de la part de Dieu ! « Dieu veut que je sois honorée ici ».
Venons à Sainte-Anne avec nos voisins ! « Yvon Nicolazic, appelez vos voisins ».
À partir du 7 mars 2025, quatrième centenaire de la découverte de la statue, sainte Anne elle-même viendra nous inviter. Sa Troménie fera le tour du diocèse pour visiter toutes les paroisses comme elle a visité Keranna il y a 400 ans. Sachons répondre à son appel pour être nous aussi des héritiers et des bâtisseurs, des témoins de l'invisible et des transmetteurs de sens. « Sainte Anne, mère de Marie, conduis-nous vers Jésus. »
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