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L'écu, le maire et l'archevêque : petite Histoire lyonnaise du Vœu des Échevins

Un article rédigé par Charlotte Mongibeaux et Grégoire Soual-Dubois - RCF, le 7 septembre 2023 - Modifié le 13 octobre 2023
Tempo · Le podcast d'actualité de RCF LyonL'écu, le maire et l'archevêque : petite Histoire lyonnaise du Vœu des Échevins

C’est une tradition bien lyonnaise. Depuis 1643, Lyon et ses représentants remercient tous les 8 septembre la Vierge Marie d’avoir protégé la ville de la peste. Une cérémonie inédite en France tant elle mêle religion et politique. Mais, depuis 2020, Grégory Doucet, le maire de Lyon, refuse d’y participer au nom de la laïcité.

L'archevêque de Lyon bénit la ville lors du renouvellement du Vœu des Échevins 2022 - © RCF Lyon (Grégoire Soual-Dubois)L'archevêque de Lyon bénit la ville lors du renouvellement du Vœu des Échevins 2022 - © RCF Lyon (Grégoire Soual-Dubois)

En septembre 2020, arrivé depuis quelques semaines à l’hôtel de ville de Lyon, l’écologiste Grégory Doucet, fraîchement élu aux municipales, choisit alors de rompre avec la tradition. Contrairement à son prédécesseur Gérard Collomb, le nouveau maire choisit de ne pas participer à la cérémonie du renouvellement du Vœu des Échevins et de ne pas s’y faire représenter.

Une décision qui a pu étonner, voire n’a pas été comprise par une part des catholiques lyonnais attachés à cette longue tradition. Invoquant le principe de laïcité, le maire décide de ne pas remettre l’écu et de ne pas entrer dans la basilique Notre-Dame de Fourvière, un lieu de culte. En revanche, depuis 2021, Grégory Doucet tient un discours ou participe à une table ronde à la sortie de la cérémonie.

Une absence du maire à Fourvière qui avait été présentée, il y a trois ans, comme une nouveauté. Et pourtant, l'histoire nous montre que le maire de Lyon n’a pas toujours participé au Vœu des Échevins et que cette cérémonie témoigne des soubresauts de l’Histoire de France.

 

Un écu d’or et sept livres de cire blanche

Nous sommes au 17e siècle, la peste sévit à Lyon. Les médecins, vêtus de longs masques de corbeaux, battent le pavé entre Rhône et Saône.

L'épidémie frappe plusieurs fois. En 1628, la “grande peste” décime la moitié de la population lyonnaise. Une année noire qui restera gravée dans les mémoires.

En 1642, celui qu’on appelait alors le prévôt des marchands - l’équivalent de l’actuel maire de la ville - et ses échevins - les magistrats municipaux - décident d’émettre un vœu. Si la vierge Marie protège Lyon de la peste, ils viendront remettre un cierge de sept livres de cire blanche (3 kg et demi) ainsi qu’un écu d’or à Notre-Dame de Fourvière tous les 8 septembre, fête de la nativité de la Vierge.

L’épidémie s'arrêta aux portes de Lyon. Pour tenir leurs promesses, le prévôt des marchands et les échevins montent à Fourvière en 1643. Une cérémonie qui sera sans doute renouvelée tous les ans jusqu’au moment de la Révolution française.

 

Un balcon des bénédictions tourné vers les lyonnais

La cérémonie est interdite en 1789 mais elle ne s’arrêtera pas pour autant. Preuve qu’elle traversera plusieurs crises.

En 1848, les représentants des Lyonnais montent à nouveau à Fourvière sous l’impulsion du cardinal de Bonald. Le renouvellement du Vœu des Échevins reprend dans un format confidentiel et en présence des chanoines, anciennement propriétaires de la chapelle sous l’Ancien Régime.

Il faudra attendre l’édification de la basilique en 1896, sous l’égide de l’architecte Pierre Bossan, pour que la cérémonie se tourne de plus en plus vers les Lyonnais. Surtout qu’un balcon des bénédictions tourné vers l’est, et donc vers la Presqu'île, sera construit. Un balcon « qu’on ne retrouve pas dans d’autres constructions de ce type en France » souligne Bernard Berthod, historien et conservateur du musée de Fourvière.

Le 20e siècle ouvre une période mouvementée pour la France. Pendant la Première Guerre mondiale, sous l’aune de l’Union sacrée, le conseil municipal de Lyon va participer à la cérémonie du 8 septembre 1915, et cela malgré, dix ans plus tôt, la promulgation de la loi concernant la séparation des Églises et de l'État. On vient afficher l’unité et dépasser les clivages politiques.

 

Le maire ne participait à la cérémonie au début du 20e siècle

À cette époque, le maire participe-t-il à la cérémonie pour remettre l’écu et le cierge ? Il faut distinguer deux grandes périodes.

La première, sous la longue mandature d’Édouard Herriot (1905-1940, 1945-1957), le maire de Lyon refusait de participer en personne au renouvellement du Vœu des Échevins. Il se faisait représenter par l’un de ses adjoints. Il faut dire qu’Édouard Herriot, qui fut aussi l’un des chefs du cartel des gauches, ne portait pas dans son cœur les traditions catholiques lyonnaises. Nous sommes aussi dans une époque où les pouvoirs publics cherchent à se tenir à distance de l’Église, suivant une interprétation stricte de la loi de 1905.

On pourrait alors penser que l’actuel maire de Lyon, l’écologiste Grégory Doucet, s’inscrit dans les pas de son prédécesseur, à cette exception près qu’il ne se fait pas représenter lors de la messe par l’un de ses adjoints. Un détail qui n’en est pas un et qui a aussi suscité de l’incompréhension de la part de certains catholiques le 8 septembre 2020.

 

Les élus catholiques sur les bancs de la Basilique

Mais revenons à l’Histoire. Nous voilà dans l’entre-deux-guerres et le vent commence à tourner.

Un courant de religiosité secoue la France dans cette période fragile. Les Lyonnais assistent en masse à la cérémonie de bénédiction par l’archevêque depuis le balcon de Notre-Dame de Fourvière. Ils se réunissent, à sept heures du soir, sur les quais de Saône et attendent les trois coups de canon.

Ce courant grossit, en particulier après la Seconde Guerre mondiale, le microphone offre un plus large auditoire à l’archevêque, comme nous l’explique Bernard Berthod. Autre élément de taille, puisqu’un certain nombre de membres du clergé étaient investis dans la résistance, les rapports entre Église et État vont se décrisper. Et puis à la mairie de Lyon, l'indéboulonnable Édouard Herriot est obligé d’élargir sa majorité aux démocrates chrétiens. On retrouve alors sur les bancs de la basilique de Fourvière un certain nombre d’adjoints, de sénateurs et de députés catholiques qui ont entendu l’appel du pape Pie XI d’ouvrir l’Église à la chose publique.

 

Le maire Louis Pradel renoue avec la tradition

Lorsqu’en 1957, la mairie de Lyon change de couleur et passe de la gauche radicale au centre-droit, la cérémonie du Vœu des Échevins va encore plus s’institutionnaliser.

Louis Pradel, qui succède à Édouard Herriot, décide de participer en personne à la cérémonie, de remettre le cierge et l’écu et d’échanger quelques mots solennels avec l’archevêque au cours de la messe.

Un héritage que ne vont pas démentir ses successeurs, Francisque Collomb, Michel Noir ou encore Gérard Collomb.

 

Gérard Collomb, figure incontournable du Vœu des Échevins

L’ancien maire, Gérard Collomb, sera aussi particulièrement attaché à cette cérémonie. Il reviendra même en 2018, alors ministre de l’Intérieur.

C’est sous sa mandature que d’autres élus y participent, des militaires, des représentants de la préfecture, de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il y voit un formidable moment pour parler d’unité et faire passer des messages d’union.

Participer à cette cérémonie, pour Gérard Collomb, c’était représenter une partie des croyants lyonnais.

 

CONTEXTE
Depuis 2021, le maire de Lyon est remplacé par un remettant sélectionné par le diocèse de Lyon pour représenter les Lyonnais, par exemple une personnalité du monde de la culture ou du sport. Cette année, il s’agit de Jean-Michel Aulas, président d’honneur de l’Olympique Lyonnais. L'an dernier, c'était le jazzman André Manoukian. En 2021, la première remettante fut la basketteuse Marie-Sophie Obama, présidente déléguée du LDLC ASVEL féminin.


 

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