Le 13 mars 2013, lors de son premier discours au balcon de la place saint-Pierre, le Pape
François ne bénit pas la foule mais lui demanda de le bénir lui. Dans cette inversion
surprenante apparaissait déjà tout le paradoxe de François : l’humilité extrême d’un pasteur
mais aussi une tendance à personnaliser son autorité...
Selon Jean-Marie Guénois, auteur de l’ouvrage « Pape François – La révolution » (Gallimard, 2023), le souverain pontife considère que sa mission est de réaliser concrètement toutes les promesses du concile Vatican II. Voire d’aller plus loin ! Pour cela, plus question de multiplier encycliques et exhortations théologiques. Il faut donner des directives claires et surtout veiller à leur application effective sur le terrain ! Pour y parvenir, François doit donc disposer d’une « administration » solide et efficace, dont les saints membres placent le bien de l’Église avant leur propres intérêts.
Tel sera donc la première révolution de François : réformer la Curie. Cela passera par des remplacements de postes abrupts, la création de structures nouvelles en contact direct avec le Saint Père – comme le C9, un groupe de travail collégial composé de neuf cardinaux nommés par François – et des discours cassants, tel celui dit « des 15 maladies » prononcé moins d’un an après son élection et dans lequel il égraina devant la Curie rassemblée les 15 travers qui pouvaient lui être reprochés. Ambiance...
Mais si le Vatican doit se réformer, c’est aussi le cas de l’Église universelle. Après un premier synode portant sur la famille au cours duquel des velléités de progressisme seront prêtées à François quant aux questions liées à l’homosexualité ou aux divorcés-remariés, le Pape lancera le synode sur la synodalité, organisant celui-ci selon des modes de fonctionnement totalement inédits.
La gouvernance de l’Église doit devenir l’affaire de tous. Le synode commencera donc par une phase d’enquête et de questionnement effectué à la base, c’est-à-dire à travers le monde au niveau de chaque paroisse ! Les données récoltées seront ensuite discutées à Rome dans le cadre de tables rondes autour desquelles s’assoient des hommes et des femmes, consacrés ou non. Encore une révolution !
Selon Jean-Marie Guénois, on aurait pourtant tort de ne voir en François qu’un pontife se plaisant à bousculer les choses de manière autoritaire. L’homme est en effet empreint d’une grande délicatesse lorsqu’il s’agit des plus petits, des pauvres, des humiliés. Chez François, l’Évangile prime toujours sur la doctrine. Plutôt que de chercher à purifier l’Église, il souhaite qu’elle se connaisse imparfaite et cabossée. De cette lucidité, pense-t-il, pourra découler un regard ouvert, compréhensif, accueillant de tout homme, qu’il soit chrétien ou pas.
C’est la raison pour laquelle François insistera dès le début de son pontificat sur la notion de miséricorde, c’est-à-dire sur la capacité d’empathie et de tolérance que Dieu attend de tout homme. Une capacité qui risque à tout moment d’être éteinte par l’influence néfaste de l’utilitarisme économique qui régit la planète à l’heure de la mondialisation.
Le Pape François trouvera ainsi les mots justes pour dénoncer « la culture du déchet » qui s’applique non seulement aux hommes lorsqu’ils ne sont envisagés qu’au travers de ce qu’ils «rapporte » mais aussi à la création lorsqu’elle n’est plus considérée que comme un stock de ressources consommables et donc vendables plutôt que comme un don beau et gratuit fait par Dieu à l’humanité. Un pape écolo, ce sera la troisième révolution de François mise en texte dans l’encyclique « Laudato si » publiée en 2015.
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